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S8 : La place aux héroïnes et héros littéraires non stéréotypé·es Vers la déconstruction des stéréotypes de genre par la littérature de jeunesse dans l'enseignement du français aux différents cycles de l'école primaire suisse romande
Emilie Schindelholz Aeschbacher  1, 2@  , Christine Riat  1, 3@  , Morgane Jungo  4@  , Sylvana Paiva Loureiro  4@  
1 : Haute Ecole Pédagogique BEJUNE
2 : Université de Genève
3 : SR-DIC Université de Genève
4 : Enseignante

Notre contribution rendra compte de l'importance du choix tant des ouvrages de littérature de jeunesse que du processus de transposition didactique (Schneuwly & Ronveaux, 2021 ; Schubauer Leoni & Leutenegger, 2005) dans lequel il s'inscrit, ici en cours de français à l'école primaire. En effet, le Plan d'étude romand (ci-après PER), curriculum prescrit pour la partie francophone de la Suisse, développe pour la discipline un objectif visant l'accès à la littérature et ceci dès les premiers degrés de la scolarité.

Paradoxalement, alors que les institutions scolaires se doivent de favoriser l'égalité entre les sexes, le genre traverse les murs de l'école (Coppola, 2021). Dans ce contexte, la littérature de jeunesse contribue à la reproduction et à l'intériorisation de normes de genre (Brugeilles et al., 2002). En effet, les enseignant·es semblent avoir tendance à lire avec leurs élèves des ouvrages véhiculant des stéréotypes sur le sujet.

Dans son article, Dias-Chiaruttini (2015) étudie en particulier la réception des stéréotypes genrés figurant dans les albums dont les scripts et le discours d'égalité reposent en partie sur des stéréotypes socialement partagés. La mise en mots, en récit et en images de ces ouvrages spécifiques en littérature de jeunesse implique une certaine réception de la part des élèves et un processus de compréhension de ces stéréotypes et de leur interprétation permettant un jugement sur les valeurs convoquées. L'album étant très présent dans les classes du primaire, il se révèle donc un outil pertinent pour aborder la problématique du genre. Mais est-ce la seule forme littéraire adaptée dans ce but ? La place et le rôle dévolus aux personnages dans les activités de lecture et d'écriture permet d'organiser, dans le cadre scolaire, la rencontre des lectrices et lecteurs avec les œuvres de littérature (Bishop & Boiron, 2018). Il semble donc intéressant de se pencher à la fois sur la forme littéraire choisie (album, bd, pièce de théâtre, etc.) et sur le rôle que jouent les héroïnes et héros dans le processus de didactisation (Schindelholz Aeschbacher & Riat, 2019) pour traiter cette question du genre en classe de français. Il s'agit pour nous d'étudier la transposition didactique en jeu.

 

De ce point de vue, deux mémoires de Bachelor produits en 2022 apportent un éclairage original et concret quant aux possibilités de travailler en parallèle sur la question des stéréotypes de genre véhiculés par la littérature de jeunesse et ses personnages, ceci en références aux axes thématiques du PER en français. Les deux étudiantes, durant leur dernière année de formation, ont construit et dispensé des séquences d'enseignement dans leur classe de stage, séquences qui articulent notre processus de comparaison relatif à la transposition didactique. L'une a travaillé avec des élèves de 4H (7 à 8 ans), l'autre avec des élèves de 8H (11 à 12 ans). La première séquence était centrée sur l'appréhension des métiers et des intérêts (hobbies, etc.) via des ouvrages de littérature de jeunesse dits non stéréotypés (Fradette, 2018), essentiellement des albums. Des éléments issus du moyen d'enseignement « L'école de l'égalité », produits par les bureaux de l'égalité suisses romands en 2019, ont été intégrés à la séquence. Pour ce qui est des 8H, le choix d'ouvrages de littérature de jeunesse réalisé a permis de travailler différents genres textuels (contes, biographies, bandes dessinées, etc.) en se concentrant sur la figure de l'héroïne ou du héros. L'objectif était, à travers le recours à des personnages principaux non stéréotypés, par ailleurs s'avérant toujours relativement difficiles à trouver dans cette littérature (Dafflon Novelle, 2006), d'observer une éventuelle influence du travail sur ces textes au niveau des représentations des rôles de genre chez les élèves. C'est que la dimension identificatoire de l'héroïne ou du héros est avérée (Mottier, 2021) et que les pré-adolescent·es sont à un âge où la construction de leur identité et sa dimension sociale les interpellent.

Nous avons donc l'opportunité de comparer deux séquences d'enseignement poursuivant le même objectif, soit la déconstruction des stéréotypes de genre grâce à l'exploitation d'une littérature de jeunesse offrant des personnages principaux non stéréotypés, mais visant des publics scolaires d'âges différents. La didactisation proposée par chacune des étudiantes permet également de questionner le rôle potentiel joué par la (ou les) forme(s) littéraires choisies. Lors de la mise en pratique de leurs deux séquences, les stagiaires ont procédé à un important recueil de traces (questionnaires, enregistrements, productions d'élèves, etc.) afin de répondre aux objectifs et hypothèses liés à leurs questions de recherche. La richesse de ces données nous permet donc une comparaison étayée.

In fine, ces deux recherches-action montrent que la question du genre et des stéréotypes associés peut être travaillée, mais de manière différente, aux deux cycles de l'école primaire par le biais des objectifs curriculaires de français. Le point de comparaison essentiel de notre contribution est ainsi intradisciplinaire et porte sur les différences et les similarités des dispositifs didactiques testés dans deux cycles scolaires distincts (comparaison inter-degrés), sur les choix qui les sous-tendent et sur les effets évalués de ceux-ci sur la déconstruction des stéréotypes de genre chez les élèves via les prétests et post-tests effectués auprès des deux classes. Notre constat est que l'objet d'enseignement « littérature » montre la mesure de ses répercussions potentielles tant au niveau cognitif que social et émotionnel. 

 

 

Références :

 

Bishop, M.-F., & Boiron, V. (2018). Des usages didactiques du personnage. Le Français aujourd'hui, 2, 201, 5-11.

Brugeilles, C., Cromer, I., & Cromer, S. (2002). Les représentations du masculin et du féminin dans les albums illustrés ou : Comment la littérature enfantine contribue à élaborer le genre. Population, 2(2), 261-292. https://doi.org/10.3917/popu.202.0261

Coppola, A. (2021). De Blanche-Neige à Blanc-Neige. Une séquence d'enseignement et d'apprentissage pour interroger le genre. Forumlecture. Consulté le 29 aout 2022 sur https://www.forumlecture.ch/sysModules/obxLeseforum/Artikel/720/2021_1_fr_coppola.pdf

Dafflon Novelle, A. (2006). Littérature enfantine : entre images et sexisme. In A. Dafflon Novelle, Filles-garçons : socialisation différenciée ? (pp. 305-318). Presses Universitaires de Grenoble.

Dias-Chiaruttini, A. (2015). Réception des stéréotypes genrés véhiculés par la littérature de jeunesse dans des espaces institutionnels contrastés. Repères, 51, 35-53.

Fradette, M. (2018). Littérature non genrée : pour faire éclater les clichés. Ledevoir. Consulté le 29 aout 2022 sur https://www.ledevoir.com/lire/542544/litterature-non-genree-pour-faire-eclater-les-cliches

Mottier, C. (2021). « On dégomme les clichés » de genre dans la littérature de jeunesse ! Réflexion sur les représentations genrées dans les albums de jeunesse. Consulté le 29 aout 2022 sur https://www.forumlecture.ch/sysModules/obxLeseforum/Artikel/723/2021_1_fr_mottier.pdf

Schindelholz Aeschbacher, E., & Riat, C. (2019). Capital littéraire et culturel de l'étudiant.e. Appréhension des objets de savoir(s) et didactisation. La Lettre de l'AIRDF 65, 19-23.

Schneuwly, B., & Ronveaux, C. (2021). Une approche instrumentale de la transposition didactique. Pratiques [En ligne], 189-190.

Schubauer Leoni, M., & Leutenegger, F. (2005). Une relecture des phénomènes transpositifs à la lumière de la didactique comparée. Schweizerische Zeitschrift für Bildungswissenschaften, 27, 407-429.


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