Communications par auteur.e > Gaillard Geraldine

Dans le cadre de cette communication, nous présentons une recherche exploratoire de Master 2 en Sciences de l'Education et de la Formation (Gaillard, 2022). Le contexte investigué est celui de l'enseignement supérieur français qui a pour mission d'éduquer à la santé et de participer au bien-être de ses étudiant·es, notamment à travers son service des activités physiques et sportives (SUAPS).

Nous avons mené une recherche auprès de deux enseignantes d'activités de bien-être (Sébire, & Pierotti, 2013), plus précisément en pilates et yoga, afin d'identifier les processus didactiques à l'œuvre dans ces pratiques au regard du genre.Nous avons choisi deux activités physiques contrastées selon le sexe des pratiquant.es. Nous nous positionnons ainsi dans l'axe 3, relatif aux pratiques enseignantes et à la formation des enseignant·es en regard des modes d'organisation des savoirs et des évolutions curriculaires. 

Inscrites dans le cadre de l'action didactique conjointe (Sensevy et Mercier, 2007), nous nous sommes appuyées sur le concept de transposition didactique (Verret, 1975 ; Chevallard, 1989) et plus particulièrement sur l'analyse ascendante de celle-ci (Schubauer-Leoni et Leutenegger, 2005). Nous nous sommes aussi appuyées sur le concept de la direction d'étude du professeur (Chevallard, 1997 ; Verscheure, 2009), envisagé comme le processus adaptatif mené en interaction avec les élèves engendrant des processus didactiques situés, dans l'optique de mesurer les possibles et les contraintes de l'interaction entre les acteur·ices et les savoirs de la santé (Simar et Jourdan, 2008) véhiculés en EPS dans les systèmes didactiques.

La problématique de notre recherche s'intéresse à la différenciation sexuée des interactions didactiques effectuées par les enseignantes dans le cadre des activités de bien-être pilates et yoga.

Le recueil des données a consisté à réaliser des observations filmées de séances d'activités physiques de bien-être (APBE) auprès de deux enseignantes de deux universités différentes toulousaines : la première en yoga concerne une classe d'étudiant.es de l'UT2J constituée de 28 étudiantes ; et la seconde se déroule en pilates, et concerne 19 filles et 5 garçons. Ces observations ont été menées sur la totalité d'un cycle de 12 séances, sur un semestre universitaire. Nous avons également interviewé les enseignantes lors d'entretiens semi-directifs. 

Les données récoltées ont été analysées à trois niveaux. Le premier niveau d'analyse de structuration de la séance par des interactions en classe est macrodidactique, et vise à repérer les inégalités d'interactions selon le genre des étudiant.es. Le second niveau d'analyse, mésodidactique, cherche à analyser la direction d'étude de l'enseignante, autrement dit les contenus d'enseignement transmis dans la séance aux contacts des étudiant.es. Le dernier niveau d'analyse est microdidactique et permet, à partir d'épisodes didactiques significatifs, de mettre en évidence les régulations particulières et différenciées, effectuées par les enseignantes. En accord avec le cadre méthodologique mobilisé en action didactique conjointe (Schubauer-Leoni et Leutenegger, 2005), nous avons opté́ pour l'utilisation de synopsis de séance afin de retranscrire, à partir de la vidéo et de notre grille d'observation, ce qui se passe lors de la séance dans le but de « prendre en compte la totalité de la séance en procédant à une réduction drastique des grandes catégories d'observables, à travers un tableau indiquant la succession temporelle des macro-épisodes ». Ces synopsis présentent ainsi à la fois les interactions tactiles et verbales à l'égard des filles et garçons, mais également le temps chronométrique de la séance, et le temps didactique renvoyant aux différents savoirs de la santé proposés par les enseignantes. Ces différentes catégories d'observables nous ont permis d'extraire des épisodes didactiques significatifs.

Les résultats présentés concernent les trois niveaux. L'analyse macrodidactique permet d'identifier les savoirs de la santé privilégiés en APBE ainsi que les dispositifs didactiques priorisés par les enseignantes. L'analyse mésodidactique a révélé les catégories d'interactions que les enseignantes d'APBE utilisent au regard du genre des étudiants. Enfin, l'analyse microdidactique a mis en évidence une différenciation : dans la direction d'étude entre les enseignantes en pilates et en yoga, à partir des régulations didactiques qu'elles engagent ; et également entre les régulations adressées aux filles et aux garçons en pilates. Nous avons mis en évidence une différenciation des processus didactiques utilisés par l'enseignante selon la proxémie qu'elle engage avec ses étudiant·es. Ainsi la direction d'étude du professeur a des conséquences sur le mode de transmission des savoirs et le type de régulations didactiques engagées, et de fait, sur la nature des savoirs acquis par les étudiant·es. D'autre part, les résultats obtenus nous apprennent que les interactions verbales effectuées par l'enseignante de pilates sont de type morphocinétique lorsqu'elle s'adresse aux filles et topocinétique lorsqu'elle s'adresse aux garçons. Il existe donc une différenciation socio sexuée des savoirs (Mosconi, 2003) de la santé en EPS, comme l'ont montré successivement Vinson (2013) ou Verscheure (2020) ; ce qui nous amène à penser qu'il est urgent de se questionner sur la formation des enseignant·es du point de vue du genre en regard des modes d'organisation des savoirs et des évolutions curriculaires de l'enseignement supérieur.

Bibliographie :

Chevallard, Y. (1985) La transposition didactique : du savoir savant au savoir enseigné. Grenoble. La Pensée sauvage.

Gaillard, G. (2022). Les processus de transposition didactique en activités de bien-être à l'Université : les savoirs de la santé à l'épreuve du genre. Mémoire M2 en Sciences de l'Education et de la formation, non publié, Université de Toulouse Jean Jaurès. 

Mosconi, N. (2003) Rapport au savoir et division socio-sexuée des savoirs à l'école. La Lettre du GRAPE, 51, pp.31-38. 

Sébire, A. & Pierotti, C. (2013). Pratiques corporelles de bien-être. Mieux apprendre à l'école. Mieux gérer sa classe. Paris : Éditions EP&S.

Sensevy.G et Mercier, (2007) Des catégories pour décrire et comprendre l'action didactique In G.Sensevy, A.Mercier. Agir ensemble L'action didactique conjointe du professeur et des élèves. Presses Universitaires de Rennes (2007). 

Simar, C & Jourdan, D. (2008). La contribution spécifique de l'éducation physique à la lumière des travaux de recherche récents, Revue EPS n°329.

Schubauer-Leoni, M.L. & Leutenegger, F. (2005). Une relecture des phénomènes transpositifs à la lumière de la didactique comparée. Revue Suisse des Sciences de l'Education, 27(3), (2005), p. 407- 429. 

Verscheure, I. (2009). Modalités de direction d'étude et apprentissage de l'attaque en volley-ball : quels effets de genre ?eJRIEPS, 18, p. 122-155. 

Verscheure, I. (2020). Genre, Didactique, et Conduite du Changement. Contribution d'un programme de recherche au comparatisme en didactique. Note de Synthèse pour l'Habilitation à Diriger des Recherches, non publiée. C.L.E.S.C.O. – UMR EFTS. Université de Toulouse Jean Jaurès.

Vinson, M. (2013). Sous la dynamique non verbale des interactions didactiques, le genre. Analyse de l'action conjointe du professeur et des élèves : Deux études de cas. Thèse de doctorat en Sciences de l'Education, non publiée, C.L.E.S.C.O. – UMR EFTS Université de Toulouse Le Mirail. Repéré à http://www.theses.fr/2013TOU20002