Communications par auteur.e > Cuozzo Marilena

Usages de la vidéo dans les processus d'enseignement-apprentissage : apports de deux cadres pour une analyse croisée des interactions en classe du secondaire.
Marilena Cuozzo  1@  , Jean-Philippe Maitre  1@  
1 : Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud

La communication s'insère dans l'axe 2 du colloque. Nous proposons d'étudier les impacts éventuels de l'usage de la vidéo, comme mode de sémiotisation des savoirs disciplinaires, sur les pratiques d'enseignement-apprentissage. Plus précisément, il s'agit de comparer des situations de classe intégrant, ou non, des documents audiovisuels comme support d'enseignement. Conjointement, nous cherchons à éprouver la cohérence des observations compréhensives qui pourront être produites à ce propos, à partir de deux cadres théoriques originaux. Ainsi, le questionnement que traitera cette communication sera double :  

  • Quel impact l'usage de la vidéo dans la salle de classe a-t-il sur l'évolution de son environnement sémiotique, que cela soit en nombre et/ou types de signes utilisés ?  

  • L'utilisation de deux cadres théoriques distincts et des méthodologies qui y sont respectivement associées permet-elle de faire état, pour l'enseignement-apprentissage, d'enjeux identiques, complémentaires, distincts, divergents et/ou contradictoires  

Le premier cadre théorique, issu d'un travail doctoral en cours et ancré dans une perspective interactionnelle (Filliettaz, 2018), propose une triple articulation. S'appuyant tout d'abord sur la dimension instrumentale de l'épistémologie vygotskienne (Moro et Schneuwly, 1997), l'étude cherche à caractériser les processus de double sémiotisation (Schneuwly, 2000) qui accompagnent la mise en œuvre de tâches vidéo-centrées. La double sémiotisation consiste, pour l'enseignant, 1. à rendre présent un contenu sous une forme matérielle – ici un document audiovisuel – et 2. à guider l'attention de l'élève sur les dimensions essentielles de l'objet, par des procédés sémiotiques divers. L'hypothèse émise est que la vidéo impacte de manière significative les phénomènes inhérents à la double sémiotisation qui accompagne les processus interactionnels lors de tâches vidéo-centrées. 

Pour éprouver cette hypothèse, l'étude propose d'analyser les effets des sémiotisations de la vidéo sur les dimensions proposées par la Théorie de l'Action Conjointe en Didactique (Sensevy, 2011) : la mésogenèse, la chronogenèse et la topogenèse. Puisque ces trois dimensions, et leurs évolutions, dépendent d'actions conjointes de natures diverses (verbales, gestuelles, etc.), y porter un intérêt sémiotique ne peut se faire qu'à l'aide d'un cadre assumant une conception multimodale des interactions. C'est pourquoi est aussi mobilisée la socio-sémiotique de Kress (Kress et al., 2001) pour tout à la fois décrire la double sémiotisation de la vidéo, ses impacts sur les agents, les milieux et les temporalités des situations d'enseignement-apprentissage observées. 

Le second cadre théorique, lui, s'est bâti sur l'articulation d'une conception constructiviste de la connaissance (Piaget, 1970), la Théorie des Situations Didactiques (Brousseau, 1998) et la sémiotique peircéenne (Peirce, 1978). A l'aide de ces apports, deux types de sémioses, parties prenantes du milieu, ont été définies et empiriquement mises au jour : les implicitations et les tacitations (Maitre, 2012). D'abord définies sur une dimension essentiellement langagière, une perspective multimodale (Kress et al., 2001) a ensuite été développée (Maitre, 2019). 

Ce faisant, ces travaux ont permis de montrer qu'implicitation et tacitation étaient, à plusieurs titres, révélatrices d'enjeux du processus d'enseignement-apprentissage. Par exemple, ces deux sémioses semblent inégalement sollicitées et très différemment réparties dans le temps en fonction que l'enseignement réponde d'une démarche d'investigation ou d'une démarche de présentation plus frontale (Ibid.). Ici, elles contribueront à l'exploration des effets de l'usage de la vidéo sur l'environnement sémiotique auquel sont soumis les élèves. 

Méthodologiquement, l'utilisation des deux cadres se fera sur le même corpus de données : quatre leçons de psychologiedeux intégrant l'usage de la vidéo et deux sans issues d'une même séquence donnée par une enseignante en classe du secondaire supérieur vaudois. L'analyse qui en sera faite se fondera sur les informations issues d'un entretien préalable avec l'enseignante lors duquel celle-ci aura partagé les termes et signes qu'elle considère centraux à la compréhension de la séquence par les élèves 

A l‘aide du premier cadre théorique, il s'agira alors de mettre au jour : 

- Comment les termes et signes désignés par l'enseignante investissent et font évoluer le milieu lors de l'usage de la vidéo et leurs enjeux pour l'acquisition des contenus par les élèves ; 

- La temporalité de l'avancée du savoir dans laquelle s'ancre la vidéo (en tant que flux de signes et d'informations qui modifie provisoirement mais fortement les possibilités d'interactions), 

- La manière dont les sémiotisations de la vidéo impactent la partition des responsabilités entre les élèves et l'enseignant quant à l'usage des termes et signes centraux et donc à l'avancée du savoir en classe.  

Avec le second cadre, il s'agira d'observer, à propos de ces mêmes termes et signes centraux, leurs occurrences sous forme d'implicitation ou de tacitation, leurs répartitions dans le temps des leçons observées, qui les produit et les enjeux que cela révèle pour les apprentissages des élèves. 

Le recueil de données étant en cours, il ne nous est pas possible de résumer les résultats qui seront présentés. Nous soulignons toutefois leur caractère doublement comparatiste : d'une part dans l'analyse de la sémiotisation du savoir au sein des interactions en classe, en fonction de s'il est fait appel, ou non, à la vidéo, d'autre part, en mettant en regard, à ce propos, les analyses proposées par deux cadres. Le tout permettra à la fois de discuter le phénomène didactique étudié – l'usage du support vidéo – ainsi que la pertinence d'approches méthodologiques plurielles, issues de cadres épistémologiques dont l'articulation peut être questionnée. 


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