Communications par auteur.e > Ailincai Rodica

Quelle influence des contextes sur les pratiques effectives en classe de géométrie en Polynésie française et en Guyane française eu égard aux curriculaires ?
Eléda Robo  1@  , Rodica Ailincai  2@  , Antoine Delcroix  3@  
1 : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation
Université de Montpellier, Université de Montpellier : UM208
2 : Sociétés Traditionnelles et Contemporaines en Océanie (EA 4241)
3 : Centre de recherches et de ressources en éducation et formation
Université des Antilles : EA4538, Université des Antilles

La Polynésie française et à la Guyane française sont deux territoires de l'Outre-mer français qui présentent de nombreuses similitudes et dissemblances que l'étude des contextes géographiques, démographiques, historiques, socioculturels, linguistiques, institutionnels et éducatifs mettent en évidence. En particulier, sur le plan éducatif, des difficultés communes en termes de réussite scolaire amènent les territoires à définir des orientations similaires, notamment une certaine adaptation aux réalités socioculturelles et linguistiques. La Guyane française, collectivité territoriale d'Outre-mer, possède un système éducatif calqué sur celui de la France hexagonale. La Polynésie française, en raison de son statut de territoire autonome, a la possibilité de définir des curriculums spécifiques indépendamment de ceux ayant cours sur le territoire national français.

Cependant, l'analyse des « programmes ajustés et adaptés à la Polynésie française 2020 » pour l'enseignement primaire, ne fait apparaitre que très peu d'adaptions en mathématiques. Ces constats nous mènent à poser les questions suivantes : comment les enseignants répondent-ils aux injonctions territoriales à adapter leurs enseignements aux réalités contextuelles des territoires ? Quelle mise en œuvre effective en situation de classe ? Peut-on identifier des pratiques de contextualisation qui soient spécifiques aux territoires ?

Nous nous intéressons en particulier au domaine de la géométrie parce que ces territoires possèdent un héritage socioculturel et linguistique où les références aux formes géométriques, sont très présentes par exemple, les motifs des tatouages polynésiens et de l'art Tembé en Guyane française.

A partir du cadre théorique de la contextualisation didactique (Delcroix, Forissier et Anciaux, 2013 ; Sauvage-Luntadi et Tupin, 2012) et celui du Pedagogical Content Knowledge (Shulman, 1986 ; Mangane et Kermen, 2016 ; Mounsamy, 2019) nous construisons un modèle « Pedagogical Content Knowledge Contexte » (PCKC) adapté à notre recherche et constituant un outil d'analyse des connaissances et croyances professionnelles des enseignants relative à la prise en compte des contextes.

Nous avons filmé plusieurs séances d'enseignement-apprentissages au cycle 3 de l'école primaire, avons sélectionnés trois séances en géométrie sur chacun des territoires sur la base des thèmes géométriques communs abordés et avons eu des entretiens semi-directifs avec les enseignants. Les six séances d'une durée totale de quatre heures et trente minutes ont été transcrites de manière multimodale et découpées en interactions tenant compte du verbal et du non verbal (Ailincai, 2005 ; Kerbrat-Orecchioni, 1998). Les entretiens en Polynésie française se sont déroulés dans le cadre d'un projet de recherche PrEEPP (Pratiques Éducatives Enseignantes et Parentale en Polynésie française) et ont été transcrits dans leur intégralité contrairement à la Guyane française où la transcription a porté sur des extraits portant sur des points particuliers en lien avec notre recherche.

Nous procédons à l'analyse de contenu des entretiens (Bardin, 2013), à l'analyse des situations d'enseignement-apprentissage par un découpage en phases (Brousseau, 2011) et à l'analyse des PCKC des enseignants.

L'étude comparative des pratiques enseignantes des professeurs des écoles de Polynésie française et de Guyane française montre que l'organisation et la mise en œuvre des situations d'enseignement-apprentissage sont pratiquement les mêmes sur les deux territoires, sans adaptations spécifiques aux contextes des élèves. Il apparait qu'il est peu fait référence aux contextes socioculturel et linguistique des territoires. En particulier, le recours aux volets contextuels des curriculaires est peu convoqué. La contextualisation didactique s'opère surtout en référence à l'environnement immédiat de l'élève, au sein de la classe.

Comment peut-on expliquer cette frilosité par rapport aux contextualisations curriculaires, en particulier lorsque le statut institutionnel du territoire le permet ? Nous pensons que, bien que les enseignants pensent qu'il est indispensable de contextualiser (Robo, 2021), restent absentes des pratiques ordinaires de classe mais s'exprime dans des manifestations scientifiques particulières (semaine des maths, fêtes de la science, Rallye mathématiques...). La place de la contextualisation didactique en mathématiques est celle existante dans les programmes d'enseignement primaire, faible en Polynésie française, et non demandée par les programmes nationaux La question étant alors de savoir comment répondre aux demandes d'adaptations définies au travers des politiques éducatives territoriales ? Quelle est la véritable portée des Chartes éducatives de Polynésie ou des Projets académiques de Guyane lorsqu'ils ne se traduisent pas dans les programmes d'enseignements ou de manière si faible pour la Polynésie. Comment demander aux enseignants d'adapter leurs enseignements aux réalités contextuelles des territoires sans données des outils concrets pour y parvenir ? Nous pensons que les questions de didactiques contextuelles mériteraient d'être abordées en formations initiale et continue en mathématiques. Cependant, nous nous interrogeons sur la possibilité de pratiquer une véritable didactique contextuelle au sein du système éducatif français, très centralisé.

Références

Ailincai, R. (2005). Un dispositif d'éducation parentale : sensibilisation des parents à leur röle d'accompagnateur de leur enfant dans le cadre d'un musée à caractère scientifique et technique. Thèse, Université Paris 5 - René Descartes Science humaines et sociales - Sorbonne.

Bardin, L. (2013). L'analyse de contenu. Paris: Presse Universitaires de France. doi:10.3917/puf.bard.2013.01.

Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques : Recueil de textes de Didactique des mathématiques 1970-1990. Grenoble: La pensée sauvage.

Delcroix, A., Forissier, T., & Anciaux, F. (2013). Vers un cadre d'analyse opérationnel des phénomènes de contextualisation didactique. Contextualisations didactiques : approches théoriques. Dans F. Anciaux, T. Forissier, & L.-F. Prudent, Contextualisations didactiques : approches théoriques. L'Harmattan.

Kerbrat-Orecchioni. (1998). Les interaction verbales, tome 1. Paris: Armand Colin.

Mangane, D., & Kermen, I. (2016, mars-avril). Connaissances professionnelles des enseignants dans l'enseignement de la chimie : une étude de cas en stéréochimie. Actes des 9e rencontres de l'Ardist, 185-190. Récupéré sur http://www.ardist.org/rencontresscientifiques/colloques-scientifiques/

Mounsamy, A. (2019). Les opérations sur la grandeur temps à l'école et au collège : l'exemple du calcul de durée dans le contexte guadeloupéen. Thèse de doctorat.

Robo, E. (2021). Étude comparée des interactions à visée d'apprentissage lors de séances de géométrie au cycle 3 de l'école primaire : le cas de la Polynésie française et de la Guyane française (Thèse de doctorat). Université des Antilles.

Sauvage Luntadi, L., & Tupin, F. (2012, janvier). La compétence de contextualisation au coeur de la situation d'enseignement-apprentissage. (I. d. éducatives, Éd.) Phroneis, 1(1), 102- 117. doi:https://doi.org/10.7202/1006488ar

Shulman, L.-S. (1986, février). Those Who Understand: Knowledge Growth in Teaching. (A. E. AssociationStable, Éd.) Educational Researcher, 15(2), 4-14.



  • Poster
Personnes connectées : 1 Vie privée
Chargement...