Communications par auteur.e > Quarello Saskia

Une modalité de rencontre a pu se déployer dès les premières relations entre l'École et le Musée : la visite scolaire dans l'exposition (Cohen-Azria, 2012). Dès lors que l'intérêt se porte sur les relations entre le scolaire et l'extra-scolaire, émergent des interrogations relatives aux liens entre les deux institutions (Dias-Chiaruttini, 2015). Que permettent les visites scolaires dans les espaces d'exposition en termes d'apprentissage ? Comment caractériser les relations entre l'École et le Musée d'un point de vue didactique ? Des travaux (par exemple Jacobi & Copey, 1995 ; Guichard & Martinand, 2000) ont analysé ces relations de façon dichotomique (Cohen, 2001). Les recherches de Cohen-Azria et Dias-Chiaruttini (2014, 2015) en revanche, ne considèrent pas les institutions dans ce qui les différencie : toutes deux contribuent aux contenus de la visite scolaire, la visite scolaire s'inscrivant alors dans " l'histoire de la classe " (Cohen-Azria & Dias-Chiaruttini 2014, p.135).

Issue d'une thèse en début de réalisation, cette communication propose de présenter un axe de ma recherche doctorale. J'aborde une réflexion relative à la visite scolaire en interrogeant l'hypothèse formulée par Cohen-Azria et Dias-Chiaruttini (2014, 2015), selon laquelle la visite scolaire est pensée au sein d'un continuum didactique. Ce positionnement ne considère pas l'École et le Musée uniquement dans leurs différences. En effet, il va non seulement permettre d'appréhender la visite scolaire dans un processus comprenant diverses temporalités (un avant, un pendant et un après), d'agrandir la focale d'observation didactique, mais également permettre de questionner les contenus au sein des situations plutôt que des lieux géographiques (Cohen-Azria & Dias-Chiaruttini, 2015). La question centrale qui traverse ma recherche est de questionner la manière dont s'articulent les contenus entre la classe de maternelle[1] et la visite scolaire aux musées d'art et de sciences. Il s'agit de dépasser les questionnements relatifs aux liens entre l'École et le Musée en travaillant sur les spécificités des contenus référables à des disciplines dans le cadre de situations didactiques contrastées. Mon intention consistera ainsi à croiser des approches didactiques relevant de la didactique des sciences et de la didactique du français. L'objet de cette présentation est d'exposer les premiers résultats d'une analyse menée dans les espaces de pratiques effectives : la classe de maternelle et la visite scolaire. Dans le cadre de cette communication, l'analyse porte sur les interactions langagières issues de douze situations didactiques observées et filmées : deux visites scolaires au LaM (Lille Métropole Musée d'art moderne), deux au MHN (Musée Histoire Naturelle) de Lille, ainsi que huit séances de classe situées en amont et en aval de la visite scolaire. L'étude implique 54 élèves de maternelle âgés de 4 à 6 ans.

La focale didactique choisie pour appréhender et interroger le continuum didactique en maternelle est celle des contenus de la visite scolaire, visite scolaire définie en tant que " situation didactique au sens où elle peut être caractérisée par des contenus qui lui sont spécifiques " (Cohen-Azria & Dias-Chiaruttini, 2015, p. 161). Comment décrire, identifier et catégoriser les contenus au sein du continuum didactique en vue de les comparer ? À partir des interactions relevées en classe et lors de la visite scolaire, quels sont les contenus qui entrent en jeu ? Quels sont ceux qui apparaissent et se répètent au sein des diverses temporalités du continuum didactique ? Dans quelles temporalités se construisent-ils et s'actualisent-ils ? Quels sont ceux spécifiques à un espace donné ? Ce travail de catégorisation des contenus m'amène à interroger la " question du média " (Guichard & Martinand, 2000) ainsi que la " question de la référence " (Martinand, 1986), question de l'origine de ce qui est appris, tout en prenant en considération les tensions contenues au sein même de la définition de l'institution muséale. La question de la référence s'inscrit dans la définition des didactiques proposée par Reuter (2007/2013, p.69), qui étudient les contenus, objets d'enseignement et d'apprentissages, " référés ou référables à des matières scolaires ". Ces réflexions posent par ailleurs la question des savoirs de référence des deux institutions dans la construction des contenus. Pourront-ils être considérés en tant que : 

Contenus muséaux, ou scientifiques muséographiés / ou artistiques muséographiés ? Contenus scolaires, ou scientifiques scolarisés / ou artistiques scolarisés ? Ou les deux selon les espaces et les moments ? Ou encore des contenus scientifiques, artistiques muséographiés puis scolarisés ? (Cohen-Azria & Dias-Chiaruttini, 2015, p.166) 

Les premiers résultats mettent en évidence la présence de contenus artistiques et scientifiques dont les occurrences nombreuses se situent au sein des diverses temporalités du continuum didactique. Ces contenus référés aux sciences ou au français peuvent être transformés, nuancés dans leurs modalités d'enseignement et d'apprentissages selon les espaces dans lesquels ils se construisent. L'analyse des discours des sujets didactiques permet également de reconstruire des contenus spécifiques à la visite scolaire en lien avec les attendus visés de la maternelle.

L'enjeu de cette communication est ainsi de reconstruire la manière dont les contenus artistiques et de " première éducation scientifique " (Bisault & Lhoste, 2020, p. 14) s'actualisent au sein des espaces. Après avoir développé une réflexion sur le cadre théorique, la méthode d'analyse choisie sera exposée, pour enfin s'intéresser à la présentation des premiers résultats. Cette analyse vidéographique, s'appuyant non seulement sur l'activité et l'apprentissage dans la classe, mais également sur des situations hors-classe, permet une catégorisation des contenus scientifiques et artistiques, mettant ainsi en lumière la porosité des frontières entre la sphère scolaire et la sphère muséale.

Bibliographie :

Bisault J., & Lhoste Y., (2020) : Quelle éducation scientifique et technologique pour des élèves de 2 à 6 ans ?, RDST, 22, pp.13-30. 

Cohen C., (2001). Quand l'enfant devient visiteur : une nouvelle approche du partenariat École/Musée. L'Harmattan.

Cohen-Azria C., (2012) : La visite scolaire au musée comme objet de construction du chercheur, Recherches, 57, Le scolaire et l'extrascolaire, pp. 159-170.

Cohen-Azria C., & Dias-Chiaruttini A., (2014, 13 juin). La visite scolaire : un espace singulier au croisement de deux institutions, communication au 4e séminaire international sur les méthodes de recherche en didactiques, Villeneuve d'Ascq.

Cohen-Azria C., & Dias -Chiaruttini A., (2015) : Analyser les contenus en jeu dans la visite scolaire au Musée : questions méthodologiques, dans DAUNAY B., FLUCKIGER C., HASSAN R., (dir.), Les Contenus d'enseignement et d'apprentissage. Approches didactiques, pp. 161-176, Presses Universitaires de Bordeaux.

Dias-Chiaruttini A., (2015) : Analyser les relations entre le scolaire et l'extrascolaire : de quelques enjeux en didactique du français, La Lettre de l'AIRDF, 58, pp. 7-11.

Guichard J., & Martinand J.-L., (2000). La médiatique des sciences. Presses universitaires de France. 

Martinand J.-L., (1986). Connaître et transformer la matière. Peter Lang. 

Reuter Y., (2007/2013) : Contenus d'enseignement et d'apprentissages, dans REUTER Y. (dir.), Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques, 3e édition, pp. 43-48, De Boeck.