Communications par auteur.e > Abou Raad Nawal

La formation universitaire, le cas des enseignants libanais formés en didactique des mathématiques
Nawal Abou Raad  1@  
1 : Lebanese University  (UL)
Hadath, Lebanon -  Liban

Dans ce travail, nous nous focalisons sur la formation en Master Professionnel, au sein de la Faculté de Pédagogie à l'Université Libanaise, en prenant en compte la spécialisation : « Didactique des Mathématiques, en français ». Divers travaux en Suisse (Allal, 2001), au Québec (Mukamurera et Gingras, 2005), en France (Blanchard-Laville, 2009), ont mis en évidence un décalage entre la formation et la pratique. Cela donne d'autant plus à réfléchir sur le rôle de notre institution de formation quant à son projet de promouvoir le développement « d'une réelle professionnalisation » (cette professionnalisation renvoyant aux processus d'apprentissage, d'acquisition et de développement des qualités qui transforment l'individu en un professionnel). Le curriculum de cette formation comporte un volet théorique, un volet pratique (stage) et un mémoire. Sa conception est de développer des savoir-faire et son objectif consiste à faire émerger chez le futur enseignant des savoir-être (attitudes, habitus, valeurs, éthique professionnelle). Il vise à permettre aux futurs enseignants d'acquérir des connaissances et de développer des idées en relation avec la mise en œuvre de sa discipline, nécessaires à l'exercice « compétent » de la profession, grâce à une articulation alternée des savoirs académiques et des savoirs d'expérience. La formation en didactique des mathématiques comprend 1) des enseignements théoriques, dont les modules sont conçus sur la base d'une « Pédagogie par Objectifs » et ont pour but de présenter les principes généraux sous-jacents à l'activité professionnelle; 2) des enseignements méthodologiques et appliqués à raison de trois modules de stages validés à partir d'un portfolio qui lie le formateur et le masterant ; et 3) la rédaction d'un mémoire relevant d'une recherche-action. Pour s'inscrire dans ce master, l'étudiant-e doit être titulaire d'une licence en mathématiques. Le diplôme exige l'obtention de 120 crédits européens (ECTS) étalés sur quatre semestres. Pour mettre à l'épreuve les qualités de notre formation comme constitutives de la « professionnalité », nous partons de cette question : En quoi la formation universitaire peut-elle contribuer aux processus de professionnalisation ? Vingt ex-étudiant-e-s, aujourd'hui enseignant-e-s de mathématiques dans des écoles publiques et privées de Beyrouth, ayant au plus trois ans d'expérience, ont répondu à notre enquête. Des enregistrements magnétoscopés ont été le support de nos ressources pour la retranscription des discours. Pour faciliter l'échange avec les interviewé-e-s, nous avons décomposée la question initiale en sous-questions ayant un lien direct avec les compétences explicitées dans le référentiel de compétences de formation  (Abou Raad et Machmouchi, 2015). Ce référentiel décline six compétences, chacune étant validée par l'acquisition de connaissances et de savoir-faire reliés à des situations professionnelles, et par la mobilisation de ces connaissances et de ces savoir-faire dans des situations d'enseignement. Il s'agit de maîtriser les savoirs disciplinaires et leur didactique (compétence 1) ; d'agir en professeur responsable et selon des principes éthiques (compétence 2) ; d'évaluer les progrès et les acquisitions des élèves (compétence 3) ; de connaître les élèves et les processus d'apprentissage (compétence 4) ; de développer les capacités de communication et de l'usage des nouvelles technologies (compétence 5) ; d'adopter une posture de praticien réflexif (compétence 6). Dans le principe, notre formation universitaire doit permettre à l'étudiant-e- de se projeter dans un avenir professionnel avec une complète confiance et compétence, tout en maintenant sa capacité de se critiquer, de se questionner, de développer une éthique professionnelle responsable. Nos analyses des discours des enseignant-e-s rencontrés attestent un décalage de conception de la formation entre savoirs théoriques et pratique professionnelle. Il reste très difficile aux étudiants devenus néo-« professionnels » d'intégrer leurs acquis dans des situations délicates. Pour certains, la difficulté du terrain les empêche d'analyser leur pratique professionnelle et d'expérimenter de nouvelles façons de travailler. Malgré la taille minime de notre échantillon, les interrogations nous paraissent ouvrir de nouvelles perspectives pour ne plus envisager une formation universitaire destinée à apprendre formellement l'exécution d'un travail mais plutôt comme un espace de pensée sur l'action « où des formes de connaissances et de raisonnements doivent être construites et appropriées par les professionnels pour pouvoir leur servir d'instruments » (Mayen, Lainé, 2014, p.18). En outre, notre formation universitaire se doit d'accorder une attention particulière aux attentes et aux motivations des étudiant-e-s. Elle ne doit plus se contenter de transmettre des contenus pratico-théoriques, mais chercher à intégrer une action large apte à permettre d'expérimenter et par la suite d'analyser la pratique professionnelle. Pour cela, nous recommandons que notre formation universitaire permette au formé-e, enseignant-e de mathématiques, d'être acteur d'une réflexivité auto-adaptive pour qu'il puisse surmonter les problèmes du terrain et se développer professionnellement. D'où la nécessité de finaliser les apprentissages par rapport aux situations de travail, d'articuler plus étroitement pratique et formation, dans une perspective renouvelée par rapport à l'existant.

 

REFERENCES

 

Abou Raad, N., & Machmouchi, I. (2015). L'impact de la formation en gestion scolaire sur la pratique enseignante. Cas des enseignants formés en didactique des mathématiques. Sawt Al-Jamiaa, no8, Université Islamique du Liban

 

Allal, L. (2001). Contribution à l'évaluation de la licence en sciences de l'éducation, mention enseignement: Rapport sur l'expérience de la première volée. Genève. Section des sciences de l'éducation

 

Blanchard-Laville, C. (2009). Apprentissage, formation et transformations dans un groupe d'analyse de la pratique professionnelle. QUAE, la Mise à l'Epreuve chapitre 10, pp. 169-186.

 

Beaud, O., Caillé, A., Encrenaz, P., Gauchet, M. & Vatin, F. (2010). Refonder l'université. Pourquoi l'enseignement supérieur reste à reconstruire ? La Découverte, Paris.

 

Brémaud, L., & Pentecouteau, H. (2008). Professionnalisation et qualité de la formation des adultes, un enjeu essentiel pour l'université. L'exemple de la filière professionnelle " formation des adultes " de l'université de rennes 2. AIPU, 2008, Montpellier, France. 2, pp.176-189.

 

Chevallard, Y. (2008). Qu'est-ce qu'une formation professionnelle universitaire non indigne ? Bulletin Former des maîtres, no 570, pp. 10-12.

 

Fabre, M. (1994). Penser la formation, Paris, PUF.

 

Develay, M. (1994). Peut-on former les Enseignants ? Paris : E.S.F.

 

Gauthier, C., & Mellouki, M. (2006). La recherche en formation à l'enseignement : état des lieux. In C. Clermont et M. Mellouki. La formation des enseignants au Québec à la croisée des chemins, pp. 3-40, Sainte-Foy : Université Laval.

 

Le Boterf, G. (2010). Professionnaliser. Paris : Éditions d'Organisation.

 

Mayen, P., & Lainé, A. (2014). Apprendre à travailler avec le vivant. Développement durable et didactique professionnelle, Dijon, Raison et Passions.

 

Mukamurera, J., & Gingras, C. (2005). Identité professionnelle chez des enseignantes et des enseignants à statut précaire au niveau secondaire. In C. Gervais, C. et L. Portelance, Des savoirs au cœur de la profession enseignante.

 

 


 

 


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