Communications par auteur.e > Morin Olivier

Et si ... débattre de l'hésitation vaccinale permettait d'hésiter mieux ? Des jeux d'acteurs mis en scène pour favoriser les apprentissages en sciences
Olivier Morin  1, 2@  , Karine Bécu-Robinault  3@  
1 : Université Lyon 1
Université Claude Bernard-Lyon I - UCBL (FRANCE)
2 : Sciences et Société ; Historicité, Éducation et Pratiques  (EA S2HEP)
École Normale Supérieure (ENS) - Lyon, Université Claude Bernard - Lyon I (UCBL) : EA4148
Bâtiment " La Pagode" - 38 Boulevard Niels Bohr - Campus de la DOUA Université Claude Bernard Lyon 1 43, Boulevard du 11 Novembre 1918 69622 Villeurbanne Cedex -  France
3 : Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations  (ICAR)
École Normale Supérieure - Lyon, Université Lumière - Lyon 2, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR5191
ENS de Lyon – Site Descartes 15, Parvis René Descartes BP 7000 69342 LYON cedex 07 -  France

La circulation des savoirs relatifs à des questions de société est un enjeu important, tant du point de vue social, politique que scientifique. Elle engage nécessairement des disciplines variées (Quet, 2012), autant pour appréhender ces questions que pour comprendre la manière dont elles le sont. Nous proposons dans cette communication de comparer et de croiser les analyses d'une approche épistémo-sémiotique en didactique de la physique et d'une approche de la problématologie de la didactique des questions socialement vives. En amont de la crise sanitaire, nous avions initié un projet de recherche sur la circulation de savoirs en lien avec l'hésitation vaccinale. Des ressources ont ainsi été produites par les partenaires du projet à des fins d'enseignement ou de formation d'enseignants. Cette proposition concerne une vidéo, accessible en ligne[1], fruit d'une collaboration entre des chercheurs en biologie et une association d'artistes. Sa vocation est de susciter le débat autour de l'hésitation vaccinale. Notre intérêt porte sur les savoirs mis en scène dans cette vidéo et ses potentialités dans le cadre de l'enseignement secondaire. L'objectif de cette présentation, s'inscrivant dans l'axe 2[2] de la conférence, est tout d'abord de mettre en évidence comment un tel support de communication permet d'identifier l'origine de savoirs au centre de préoccupations de notre société et, dans un second temps, comment il peut faciliter la compréhension d'une question complexe telle que l'hésitation vaccinale.

Analyses de la communication des savoirs sur l'hésitation vaccinale

Nous inscrivons notre étude d'une part dans un cadre théorique articulant la plurisémioticité[3] et l'épistémologie, d'autre part dans celui de la problématologie des questions socialement vives (Fabre, 2021) qui pose les questions socioscientifiques controversées comme des problèmes mal structurés, flous, voire pernicieux.

Le premier volet de nos analyses a consisté à identifier les savoirs de la communauté scientifique sur l'hésitation vaccinale. A ces fins, nous nous sommes appuyés sur un livret exposant les résultats d'une enquête socio-épistémologique de ces savoirs[4]. Les objectifs d'une telle enquête (Simonneaux, 2000) sont d'identifier les savoirs de référence, de cerner leurs limites de validité comme les incertitudes qui subsistent, et d'examiner les enjeux sociaux. Ce livret a été utilisé par les concepteurs de la capsule pour l'écriture du scénario et des dialogues entre acteurs.

Notre deuxième analyse vise à catégoriser la manière dont les savoirs sur l'hésitation vaccinale sont déployés dans le livret et dans la vidéo. A ces fins, nous avons choisi de croiser 3 cadres théoriques : le premier, issu de la didactique des Questions socialement vives, donne à voir les attributs des savoirs scientifiques à partir de leurs modalités d'élaboration (Simonneaux, 2011) ; le deuxième s'intéresse aux facteurs déterminants de l'hésitation vaccinale tels que définis par la recherche en santé (MacDonald et al., 2015) selon trois grandes catégories : confiance, complaisance (sous-estimation du danger), et commodité ; enfin, le troisième cadre, inspiré de la théorie de l'agir communicationnel en philosophie, s'intéresse à la manière dont les acteurs valident leurs énoncés (Habermas, 1981). L'articulation de ces trois cadres permet une triple catégorisation des savoirs du point de vue de leur ancrages scientifiques, de leur épistémologie et de leur conformité au regard des groupes sociaux en interaction.

Enfin, la vidéo met en scène des interactions entre 3 acteurs dont les positions vis-à-vis de la vaccination sont contrastées. Pour caractériser ces positions, nous avons choisi de spécifier les modes sémiotiques (i.e. paroles, gestes, images, photos, textes...) associés à la communication de ces savoirs (Kress et al. 2001). Parmi ces modes sémiotiques, les gestes, en complément du discours (Alibali et Nathan 2012), permettent de donner des compléments d'information aux représentations usuelles papier-crayon (Bécu-Robinault, 2022).

Problématique

Dans la mesure où les raisonnements peuvent être mobilisés pour la justification de position arrêtée, ou au contraire être en construction dans les interactions langagières, nous faisons l'hypothèse que l'analyse des choix narratifs et des modes sémiotiques nous donneront à voir les éléments pouvant faciliter ou faire obstacle à la circulation des savoirs lors d'un débat sur l'hésitation vaccinale initié par ce type de support numérique.

Analyses et premiers résultats

Notre méthode d'analyse des savoirs associés à l'hésitation vaccinale comporte 3 phases dont les deux premières sont finalisées et la troisième (analyse des prétentions à la validité des raisonnements mobilisant ces savoirs dans la vidéo et modes sémiotiques associés) est en cours afin d'adapter les catégories initialement élaborées pour le traitement de questions moins complexes.

Les deux grilles d'analyses conçues (la première croisant les attributs des savoirs avec les déterminants de l'hésitation vaccinale, la seconde croisant les prétentions à la validité des raisonnements avec les modes sémiotiques saillants) seront un premier résultat de ce projet.

L'analyse des savoirs a confirmé la complexité du concept d'hésitation vaccinale dont la discussion ne peut se résumer à une série d'arguments isolés. Nous avons également mis en évidence que les positions adoptées vis-à-vis de la vaccination sont davantage associés à des catégorisations différentes du savoir (confiance dans les bienfaits universels des vaccins vs estimation contextualisée du danger des maladies concernées et de la commodité des vaccins) qu'à des modalités d'élaborations spécifiques des raisonnements.

Ces premiers éléments, qui doivent être affinés au regard de nos critères d'analyse toujours en cours de discussion, nous conduisent à envisager la conception de débats au sein desquels les participants s'identifieraient en premier lieu à une communauté sur la base de « traits de surface » (sémiotiques) ou d'éléments caractéristiques de savoirs avant de s'engager dans la confrontation des modalités d'élaboration de ces savoirs.


[1] https://youtu.be/Il5hr9SpuhM consultée le 15 juillet 2022

[2] La place des objets, domaines et pratiques émergentes dans les curriculums et dans les pratiques éducatives.

[3] « La pluri- (ou poly-) sémioticité renvoie aux situations de communication et d'expression qui font appel à d'autres sémioses que le langage, e.g. le dessin, le schéma, l'image fixe ou mobile, les sons, etc., qui peuvent cohabiter entre elles (telles l'image et le son) comme elles peuvent cohabiter avec le langage » (Rabatel, 2017, p 319).


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