Communications par auteur.e > Cross David

Enseigner la transformation chimique via le cycle du carbone pour entrer dans la culture scientifique et technique en classe de chimie au secondaire I
Marie Sudriès  1, 2@  , Florence Ligozat  3, 4@  , David Cross  5@  
1 : Université de Genève  (UNIGE)
2 : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation  (LIRDEF)
Université de Montpellier : UM208
3 : GREDIC, FPSE, Université de Genève  (Groupe de recherche en didactique comparée)
4 : GREDIC
5 : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation
Université Paul-Valéry - Montpellier 3 : EA3749, Université de Montpellier : UM208, Université Paul-Valéry - Montpellier 3, Université de Montpellier

Problématique

Depuis le début des années 2000, l'École doit assumer de nouveaux enjeux d'éducation qui répondent, en partie, aux défis auxquels se confrontent nos sociétés. Les problèmes environnementaux en sont un exemple. Aujourd'hui, dans la plupart des pays européens, l'enseignement scientifique ne consiste plus seulement à former la relève scientifique, mais tend à transmettre à chaque élève, une culture scientifique et technique (CST), nécessaire à l'exercice de sa citoyenneté. L'appropriation de cette CST, souvent évoquée dans les recommandations générales des programmes scolaires, nécessite de traiter des problèmes complexes qui intègrent les rapports des êtres humains à leur environnement. Ces problèmes complexes (au sens de Morin, 1982) engagent des savoirs issus de différentes disciplines, et posent donc des problèmes didactiques nouveaux, dans la mesure où les programmes scolaires restent essentiellement formulés en termes de savoirs disciplinaires. Par exemple, la compréhension des enjeux liés aux flux de dioxyde de carbone dans notre environnement et des conséquences sur l'effet de serre est étroitement liée au concept de transformation chimique, savoir conceptuel central du curriculum de chimie dans de nombreux pays, qui permet également de modéliser les phénomènes en jeu dans les processus naturels (biologiques et géologiques) comme dans les activités humaines (domestiques et industrielles). Dès lors, se pose la question de la prise en charge didactique de la porosité entre les disciplines scolaires, au service du traitement de questions complexes, telles que l'origine anthropique du réchauffement climatique.

Cadre théorique et questions de recherche

Pour aborder cette problématique, nous avons tout d'abord mené une étude comparée des modes de transposition didactique externe (Chevallard, 1985/1991) du concept de transformation chimique en France et en Suisse romande (Auteure1 et al., soumis). Cette étude met en évidence une tension dans les curricula de chimie au début du secondaire. Dans ces deux contextes, les recommandations générales pour les enseignements scientifiques promeuvent le questionnement du rapport de l'être humain à son environnement, notamment à travers l'étude des questions environnementales. Toutefois l'enseignement de la chimie au secondaire I reste centré sur la transmission de savoirs conceptuels propres à la discipline (le modèle de la réaction chimique et le principe de conservation de la matière) tant au niveau de la définition des contenus dans les programmes/plan d'études, qu'au niveau des ressources disponibles dans les manuels/moyens d'enseignement. Au regard de cette première étude, nous nous interrogeons sur les conditions de possibilité d'un enseignement de la transformation chimique qui puisse servir les enjeux d'acquisition d'une CST par les élèves, sans pour autant négliger les dimensions conceptuelles de cet objet de savoir. Nous nous proposons de caractériser les modes de transposition didactique internes (Chevallard, 1985/1991) du concept de transformation chimique par l'étude des contrats didactiques qui se mettent en place dans les classes au secondaire I, lorsque ce concept est présenté comme un savoir nécessaire pour une approche du fonctionnement du cycle du carbone.
Dans cette étude, la proposition d'un modèle du cycle du carbone à des enseignant.es de physique-chimie fonctionne comme une « greffe » (au sens de Schubauer-Leoni et Leutenegger, 2002), afin d'étudier comment différents systèmes didactiques s'accommodent d'un objet qui relève des grands objectifs d'enseignement d'une CST, mais qui n'est pas habituellement traité en classe de chimie. La démarche vise à caractériser les pratiques d'enseignement relatives à la transformation chimique. Elle consiste à contraindre le système didactique par la présence d'un élément perturbateur pouvant révéler différentes formes de contrat didactique dans les classes, en regard des priorités que l'enseignant.e identifie à l'égard de l'objet « cycle du carbone ». Nous nous intéressons en particulier aux éléments précurseurs du fonctionnement de ces contrats didactiques qui apparaissent dans les discours d'enseignant.es, éléments considérés comme traces de l'adaptation du système à la contrainte qui lui est appliquée. Cette proposition de communication s'inscrit dans l'axe 2 de la thématique du colloque et cherche à répondre aux questions suivantes :
- Quels éléments précurseurs du fonctionnement du contrat didactique apparaissent dans le discours des enseignant.es au moment de la préparation de la séquence intégrant le cycle du carbone ?
- Quelles traces des rapports à l'objet « cycle du carbone » (au sens de Chevallard, 1992) trouve-t-on dans le discours de ces mêmes enseignant.es ?
Dans cette perspective, nous considérons que l'étude des rapports personnel/institutionnel des enseignant.es à l'objet « cycle du carbone » peut nous aider à dessiner les contours du contrat didactique.

Méthodologie et résultats attendus

Nous travaillons avec deux enseignant.es de physique-chimie dans le canton de Genève, pour le contexte Suisse romand, deux dans l'académie de Montpellier, pour la France. La proposition d'intégrer le cycle du carbone à leur séquence sur la transformation chimique intervient après une première phase d'observation de leurs pratiques ordinaires. En suivant les modalités de la mise en œuvre d'une greffe qui vise à caractériser les pratiques d'enseignement (cf. paragraphe précédent), notre proposition consiste à proposer une représentation du cycle du carbone et de laisser les enseignant.es libres de l'insérer comme ils/elles le souhaitent dans leur séquence. Nous nous tenons à leur disposition pour des séances de préparation en amont de la mise en œuvre, s'ils/elles en manifestent le besoin (tou.te.s nous solliciteront au final). Cette proposition de communication porte sur l'analyse des échanges qui ont eu lieu dans ces séances de préparation, au cours desquelles les enseignant.es nous présentent la séquence qu'ils ont envisagée pour intégrer le cycle du carbone à leurs chapitres.
Afin de guider nos analyses, nous avons élaboré une grille qui s'organise selon nos deux questions de recherche. Une première série de questions nous aide à repérer des éléments précurseurs du fonctionnement du contrat didactique dans le discours des enseignant.es sur leur séquence. Une deuxième série de questions cherche à comprendre le rapport personnel des enseignant.es à l'objet cycle du carbone et sa possible évolution vers le rapport institutionnel, lui-même défini à l'aide d'études épistémologiques (Kermen, 2018 ; Labbe Espéret, 2002 ; Mohan et al., 2009 ; Zangori et al., 2019). Préalablement à ces questions et pour garantir leur pertinence, nous cherchons des signes de l'acceptabilité de notre proposition dans le discours des enseignant.es.
Nous présenterons les détails de cette grille d'analyse au cours de notre présentation orale. La systématisation de l'analyse outillée par une grille devrait nous permettre de mettre en avant les caractéristiques des quatre systèmes didactiques étudiés et donc les contrastes intra et inter-institutionnels. Ainsi, nous aurons un premier aperçu des modes possibles de transposition didactique de la transformation chimique à partir du cycle du carbone, à étayer par la suite avec l'étude des interactions en classe. L'analyse des données est en cours au moment où nous écrivons cette proposition de communication.

Bibliographie

Auteure1, Auteure2 et Auteur3. (soumis). Les enjeux de l'enseignement-apprentissage de la transformation chimique au secondaire I : regards croisés sur les textes curriculaires en Suisse romande et en France. Revue suisse des sciences de l'éducation.

Chevallard, Y. (1985). La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné. La Pensée Sauvage éditions.

Chevallard, Y. (1992). Concepts fondamentaux de la didactique : perspectives apportées par une approche anthropologique. Recherches en Didactique des Mathématiques12(1), 73–112. https://revue-rdm.com/1992/concepts-fondamentaux-de-la-didactique/

Kermen, I. (2018). Enseigner l'évolution des systèmes chimiques au lycée. Presses Universitaires de Rennes.

Labbe Espéret, C. (2002). Modélisation et conceptualisation : l'exemple du cycle du carbone [thèse de doctorat, Université de La Réunion].

Mohan, L., Chen, J. et Anderson, C. W. (2009). Developing a multi-year learning progression for carbon cycling in socio-ecological systems. Journal of Research in Science Teaching, 26(6), 675‑698.

Morin, E. (1982). Science avec conscience. Paris : Fayard.

Schubauer-Leoni, M.-L., et Leutenegger, F. (2002). Expliquer et comprendre dans une approche clinique/expérimentale du didactique ordinaire. In M. Saada-Robert, Madelon et F. Leutenegger (dirs.), Expliquer et comprendre en sciences de l'éducation, (pp.227-251). DeBoeck Université.

Zangori, L., Peel, A., Kinslow, A., Friedrichsen, P. et Sadler, T. (2017). Student Development of Model-Based Reasoning About Carbon Cycling and Climate Change in Socio-Scientific Issues Unit. Journal of Research in Science Teaching, 54(10), 1249‑1273.



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