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Rôle et place des savoirs en Français dans la promotion des élèves en fonction de l'ordre d'enseignement et du genre (Suisse romande, 1880-1980)
Anouk Darme  1@  , Anne Monnier  2@  
1 : Université de Genève  (UNIGE)
24 rue du Général-Dufour CH - 1211 Genève 4 -  Suisse
2 : Université de Genève  (IUFE)
40 bd du Pont-d'Arve, 1205 Genève -  Suisse

Rôle et place des savoirs en Français dans la promotion des élèves en fonction de l'ordre d'enseignement et du genre (Suisse romande, 1880-1980)

Anouk Darme-Xu & Anne Monnier (Université de Genève)

Axe 2 - La place des objets, domaines et pratiques émergentes dans les curriculums et dans les pratiques éducatives.

Aujourd'hui en Suisse romande, le Français joue un rôle essentiel, dans la promotion de l'élève d'un degré à l'autre et dans son orientation au secondaire, au travers notamment des épreuves communes qui ont lieu dans tous les cantons en 8e primaire (élèves de 11-12 ans) pour l'orientation des élèves dans le secondaire. Partant du constat selon lequel, avant les années 1960, les élèves accèdent à des institutions du secondaire spécifiques en fonction de leur genre, de leur origine socio-culturelle et de leur lieu d'habitation (Monnier, 2018), cette contribution vise à retracer, d'un point de vue historique, le rôle et la fonction de la discipline Français dans la promotion des élèves et l'accès aux différentes institutions du secondaire. Du point de vue temporel, notre étude couvre la période allant du dernier quart du 19e siècle, qui voit l'émergence d'une articulation entre les ordres primaire et secondaire, et les années 1980, qui se caractérisent par la généralisation d'une mixité scolaire à la fois sociale et de genre pour le secondaire I, non sans impact sur les contenus disciplinaires. Quatre cantons romands contrastés sont plus particulièrement pris en compte : Genève (francophone, urbain et protestant), Vaud (francophone, plutôt rural et protestant), Neuchâtel (francophone, plutôt industrialisé et protestant) et Fribourg (bilingue, rural et catholique). Cette contribution comporte donc une triple dimension comparative : entre publics d'élèves (filles / garçons), entre ordres d'enseignement (primaire et secondaire) et entre cantons romands.

A partir de là, nos questions de recherche sont les suivantes :

- Sur quelle base se fait la promotion des filles et des garçons d'un degré à l'autre, et leur sélection et/ou orientation au secondaire avant et après la généralisation de la mixité scolaire ?

- Quel est le rôle du Français dans ce processus ? Et sur quels contenus et quelles compétences les élèves sont-ils évalués ?

- Enfin, quels sont les acteurs et actrices responsables de la promotion des filles et des garçons au primaire et de leur sélection et/ou orientation au secondaire ?

Pour répondre à ces questions, nous nous basons sur un corpus archivistique constitué de documents produits, d'une part par les autorités scolaires (lois et règlements sur l'instruction publique, plans d'études et programmes, examens annuels), d'autre part par les enseignants et les pédagogues (revues professionnelles). Ce corpus fait l'objet d'une analyse de type historico-didactique (Bishop, 2019) à la fois externe – en s'interrogeant sur la place et le rôle de la discipline Français dans le système scolaire, en particulier en ce qui concerne la promotion et la sélection et/ou orientation des élèves – et interne – en posant la focale sur la nature des savoirs évalués en Français et des exercices par lesquels ces savoirs sont évalués et en prenant en compte la configuration disciplinaire du français au fil des périodes (Schneuwly et al., 2016). Ces résultats nous permettent de mettre en évidence une éventuelle évaluation différenciée entre filles et garçons ; ils sont ensuite mis en regard de façon ponctuelle avec d'autres contextes francophones (Cantat, 2009), en vue de pointer les spécificités de l'école suisse romande et les points communs entre ces différents contextes.

Une première analyse exploratoire de ces différentes sources montre le poids du Français dans la promotion des filles et des garçons d'un degré à l'autre, mais aussi pour l'accès aux différentes filières du secondaire. Néanmoins, à Genève notamment, alors que les conditions de promotion pour les filles et les garçons sont les mêmes, le nombre d'heures hebdomadaire de Français pour les filles et les garçons n'est pas le même. En outre, alors que la discipline Français se stabilise dès la fin du 19e siècle sous la forme d'un triptyque dans lequel la lecture joue un rôle majeur (Schneuwly et al., 2016), cette composante est cependant très peu présente dans les critères de promotion de tou.te.s les élèves (au moins jusque dans les années 1940) qui restent orientées par le « bien écrire », comme le montre la place importante réservée à l'orthographe et à la composition. Enfin, il apparait que les enseignants jouent un rôle non négligeable en ce qui concerne la promotion des élèves, et ce dès l'édification des systèmes scolaires au milieu du 19e siècle (Hofstetter, 2012). En effet, avec le passage d'une école aux mains de l'Église à une école laïque et publique dans les cantons protestants, les enseignant.e.s sont désormais des fonctionnaires en charge, non seulement de l'enseignement des différentes disciplines scolaires, mais aussi de l'élaboration et de la correction des travaux, en vue de l'élaboration des moyennes décisives pour le passage d'un degré à l'autre au primaire et au secondaire. Au contraire, à Fribourg, l'inspecteur joue un rôle clé dans la promotion des élèves d'un degré à l'autre au primaire, mais la sélection pour l'entrée au secondaire se fait par le biais d'un examen d'entrée pour les garçons.

Cette contribution mettra ainsi en évidence des spécificités cantonales, en fonction des périodes, des ordres d'enseignement, mais également en fonction des publics d'élèves, en ce qui concerne le processus d'évaluation et les contenus évalués.

Repères bibliographiques

Bishop, M.-F. (2019). Étudier la discipline dans une approche comparatiste, didactique et historique. In S. Aeby Daghé, E. Bulea Bronckart, G. S. Cordeira, J. Dolz, I. Leopoldoff, A. Monnier, Ch. Ronveaux, B. Védrines, Didactique du français et construction d'une discipline scientifique. Dialogues avec Bernard Schneuwly (p. 231-242). Presses universitaires du Septentrion.

Cantat, A. (2009). Historique de l'évaluation des apprentissages : de l'enseignement des Jésuites à l'approche par compétences. Mémoire pour l'obtention du grade de maitre ès art. Université de Laval.

Hofstetter, R. (2012). La Suisse et l'enseignement aux XIXe-XXe siècles. Le prototype d'une « fédération d'États enseignants » ? Histoire de l'éducation, 134 : 59-80.

Monnier, A. (2018). Le temps des dissertations. Chronique de l'accès des jeunes filles aux études supérieures (Genève, XIXe -XXe). Droz.

Schneuwly, B., Lindauer, T., Darme, A., Furger, J., Monnier, A., Nänny, R. & Tinembart, S. (2016). Enseignement de la langue première « Deutsch » – « Français ». Remarques sur l'histoire de la discipline en Suisse (~1840 à ~1990) dans une perspective comparative. Forumlecture, 2. http://www.forumlecture.ch/sysModules/obxLeseforum/Artikel/567/2016_2_Schneuwly_Lindauer_et_al_de.pdf


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