Communications par auteur.e > Wallian Nathalie

Aller sur le terrain en géographie : la construction de l'espace géographique à partir de l'"habiter" à La Réunion
Patricia Grondin  1@  , Nathalie Wallian  1@  , Sylvain Genevois  2@  
1 : LCF
2 : ICARE

Cadre théorique

La géographie de terrain, et la géographie expérientielle, renvoient au paradigme du territoire (Thémines, 2016) et s'inscrivent plus largement dans une "contextualisation du didactique" (Genevois & Fageol, 2020) où il s'agit de prendre en compte le contexte et l'expérience réels des élèves. Cette approche géographique postule que l'appropriation de l'espace par une société ou un groupe-classe est le produit d'une construction sociale ancrée conjointement dans et par les pratiques (Stock, 2004) et les représentations afférentes qui sont prégnantes dans « l'habiter ». L'apprentissage est facilité en opérant un bon usage de « leur expérience par l'analyse critique de leur vécu » (Leininger-Frezal et al.,2020). 

En classe de géographie, la sortie de terrain (Calbérac, 2011 ; Albero, 2022) constitue par excellence une opportunité pour confronter l'espace tel que vécu et expériencé et sa représentation graphique mise en cartes. L'enjeu est de déployer une approche compréhensive descriptive, modélisante -voire heuristique- des modalités de construction de l'espace géographique par les élèves en tant qu'habitants du monde. La recherche questionne les manières dont les élèves de classe de 6ème s'approprient la géographie travers les cartes qu'ils construisent et qui peuvent jouer le rôle d' « ouvroir d'imaginaire » (Bedouret et al., 2022) mais également à travers leurs vécus et de leurs représentations en interrogeant la dimension subjective (Volvey et al., 2012). 

Problématique

La question de recherche est la suivante : Comment les élèves de 6ème construisent l'espace géographique à partir d'une succession d'expériences fractionnées associant représentations sociales et mentales, pratiques du terrain et apprentissages instrumentés par le numérique ?

 

Méthode

Une classe de 6ème est suivie en observation participante dans un quartier prioritaire d'une ville située sur le littoral sud de La Réunion (N = 24 élèves ; 12 ans). L'étude longitudinale sur une année scolaire permet d'isoler quatre séquences marquantes au cours desquelles trois études sont menées : 1) les intentions didactiques ante/post de l'enseignant de géographie ; 2) les traces de l'activité d'enseignement/apprentissage ; 3) les ressentis des élèves et leurs représentations au fil des séquences. Elle vise à identifier savoirs pratiques et méthodologiques mobilisés pour confronter terrain et expériences spatiales des élèves en mettant l'espace en récit par la collecte d'informations : de même, les savoirs et compétences disciplinaires (habiter le monde, se repérer, représenter l'espace, élaborer un récit spatial) construits dans et par l'expérience sont répertoriés. 

Trois indicateurs retenus pour décrire les apprentissages portent sur 1) l'identification de la perception de l'espace et des représentations mentales et spatiales des élèves ; 2) la pré-exploration de l'espace par eux (apprentissage instrumenté à l'aide d'outils numériques) avant terrain (Genevois, 2020) ; 3) l'extraction de moments remarquables (Leutenegger & al., 2002) lors d'observation longitudinale au regard des représentations obstacles et des acquisitions observées.

 

Résultats

Il peut y avoir un décalage entre les ressentis des élèves d'un même lieu en fonction des contextes, le contexte scolaire de sortie ou d'autres contextes, après la sortie par exemple (notamment le contexte social, familial, culturel...). Les élèves renomment les lieux en fonction de leurs références culturelles (marques, usages anciens du lieu, lieu symbolique). Les lieux repérant pour les élèves sont concentrés et sont principalement de nature scolaire, ludique et commerciale. Très peu de lieux sont de nature cultuelle ou culturelle. 

L'espace « augmenté » combine espace exploré, parcouru et représenté. Il exige, pour les élèves, un constant va-et-vient entre le symbole, le signe et l'expérience du sens, faute de quoi des représentations peuvent faire obstacle (exemple : le passage sur schéma à la projection satellite pour arriver à la carte). Il apparaît qu'en classe de 6ème la dimension syncrétique de l'expérience spatiale demeure prévalente. 

Les outils didactiques de géographie expérientielle (ici pré-exploration virtuelle de l'espace sous forme de 1) carte, 2) Globe virtuel), modifient - voire instrumentent - la construction de l'espace avant son exploration par le mouvement : récursivement, l'exploration modifie la construction mentale de l'espace expériencé, révélant les zones caractéristiques de "terra incognita" chez ces élèves. 

L'enjeu à terme est d'ouvrir des pistes pour les enseignants soucieux de comprendre et d'enrichir les situations d'apprentissages en géographie. 

 

Références

Albero, B. (2022). De quoi la notion de "terrain" rend-elle compte ? Education Permanente, 230, 9-21.

Bedouret, D., Thémines, J.-F., Glaudel, A., Genevois, S., & Grondin, P. (2022). L'imaginaire des élèves en géographie à l'école et au collège. Cybergeo : Revue européenne de géographiehttps://doi.org/10.4000/cybergeo.39252

Calbérac, Y. (2011). Le terrain des géographes est-il un terrain géographique ? Le terrain d'un épistémologue. Carnets de géographes, 2.

Genevois, S. (2020). Le numérique dans l'enseignement et l'apprentissage de la géographie : quels apports, quels enjeux ? Rapport CNESCO « Numérique et apprentissages scolaires ». https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2020/10/201015_Cnesco_Genevois_Numerique_Geographie-1.pdf

Genevois S. & Fageol P.E. (2020). L'enseignement de l'histoire-géographie à La Réunion. Entre adaptations des programmes et contextualisation des pratiques. In S. Genevois & N. Wallian (dir.), Enseigner-apprendre en tous terrains. De la didactique contextuelle à la contextualisation du didactique. Paris : Editions des archives contemporaines, pp. 61-72.
https://eac.ac/books/9782813003492 DOI : https://doi.org/10.17184/eac.9782813003492

Leininger-frezal, C., Gaujal, S., Heitz, C., & Colin, P. (2020). Vers une géographie expérientielle à l'école : L'exemple de l'espace proche. Recherches en éducation, 41, 105-125.

Leutenegger, F.L, & Schubauer-Leoni, M.-L. (2002). Les élèves et leur rapport au contrat didactique : une perspective de didactique comparée. Les Dossiers des Sciences de l'Education, 8, 73-86.

Stock, M. (2004). L'habiter comme pratique des lieux géographiques, EspacesTemps.net, Travaux, 2004 |Mis en ligne le 18 décembre 2004, . URL : https://www.espacestemps.net/articles/habiter-comme-pratique-des-lieux-geographiques/ ;

Thémines, J-F. (2016). La didactique de la géographie. Revue française de pédagogie, 197, 99-136.

Volvey, A., Calbérac, Y. et Houssay-Holzschuch, M. (2012). Terrains de je. (Du) sujet (au) géographique. Annales de Géographie, 687-688 (5), 441-461.



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