Communications par auteur.e > Loquet Monique

S4 - Attention sensible et création chorégraphique à l'école élémentaire
Valérie Vilaine  1@  , Monique Loquet  1@  
1 : Centre de Recherche sur lÉducation, les apprentissages et la didactique  (CREAD EA 3875)
Université de Brest, Université de Rennes 2 : EA3875, Université de Rennes
153 av St Malo. CS 54310. 35043 RENNES CEDEX -  France

1. Introduction, termes, postulat

La communication propose de travailler en didactique, la notion d'« attention », que nous qualifions de « sensible » comme la base de construction des capacités épistémiques (relatives aux savoirs) des élèves en situation de handicap (SH) dans l'activité danse. Ces élèves apprennent à donner forme à leurs propres mouvements dansés, produisant ainsi des « morphocinèses »[1] (Serre, 1984) en vue d'une création chorégraphique collective. Le « sensible » s'applique à ce sur quoi élèves et professeur portent attention lors des mouvements créés, individuellement et collectivement.

Notre étude porte sur une situation d'enseignement-apprentissage en création chorégraphique concernant deux élèves, soutenus par une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis) en classe de CM1. Le dispositif Ulis pose le principe inclusif. Selon lequel l'environnement scolaire s'adapte à l'élève en situation de handicap. Nous choisissons de rompre avec la vision déficitaire du handicap, encore souvent présente dans notre société, en valorisant la « singularité »[2] (Benoit, 2012) en appui sur les potentialités épistémiques révélées par les élèves en SH en danse (Vilaine, 2022).

Les situations de création chorégraphique s'efforcent de prendre en compte les inventions de chaque élève pour construire des mouvements dansés ensemble. L'enjeu est que la pratique des élèves débutants se rapproche le plus possible de la pratique culturelle du danseur-chorégraphe (Loquet, 2017), afin de révéler la dimension tacite des savoirs (Polanyi, 1966), souvent implicites et invisibles en première approche. Une charte pour l'éducation artistique et culturelle précise deux principes (HCEAC, 2022)[3] : « être accessible à tous » (art.1) et « donner du sens à leurs expériences et mieux appréhender le monde contemporain » (art.6). Cependant, l'éducation à l'art par l'art (ici la danse) et au sensible, reste complexe tout autant que l'accessibilité des savoirs à tous les élèves, lors de l'apprentissage d'une création chorégraphique.

2. Question de recherche et hypothèses

Nous cherchons à comprendre comment les élèves en SH sont amenés à créer leur propre mouvement dansé au sein d'un groupe chorégraphique en vue de danser ensemble. Quelles conditions didactiques conjointes permettent aux élèves et à la professeure de se rendre sensibles à la forme des mouvements dansés ensemble ?

Nous supposons que l'attention sensible que porte l'élève à la forme de son propre mouvement est soutenue par l'attention qu'autrui porte à cette forme dansée, et dans le même temps, améliore la « qualité épistémique » (Loquet et al., 2022) de ce mouvement. Les élèves se rendent ainsi capables de créer des morphocinèses, faisant émerger les capacités épistémiques tacites correspondantes.

3. Cadre théorique

L'étude s'appuie sur la théorie de l'action conjointe en didactique (CDpE, 2019). Les situations didactiques sont analysées à l'aide des notions didactiques de contrat et de milieu (Sensevy, 2011). Ces notions permettent de mieux comprendre ce qui se joue dans les transactions didactiques entre les élèves SH et la professeure ainsi que les pairs. L'usage de contrat a pour but de décrire les connaissances « déjà-là » des élèves en SH lorsqu'ils abordent ce qu'il y a à faire, ici créer leur propre mouvement. Dans le même temps, ces élèves sont confrontés à une situation didactique qui ne leur est pas immédiatement accessible. Ils se trouvent donc face à un problème. La notion de milieu didactique vise alors à décrire la structure de ce problème, comme un ensemble d'éléments isolés, non reliés entre eux. Ces élèves tentent d'établir un système de stratégies pour établir des relations entre les éléments épars, donner forme à leur mouvement et le danser collectivement.

4. Choix méthodologique

Notre approche didactique met en place une ingénierie coopérative. Le collectif conçoit de faire travailler ensemble (Tremblay, Toullec, 2020) les professeurs (CM1-Ulis) in situ afin de soutenir les apprentissages des élèves. Les épisodes sont sélectionnés au travers de films d'étude (Sensevy et al., 2022). Les transactions corporelles et langagières sont transcrites au niveau microdidactique pour décrire l'action conjointe professeure-élèves, au sein de deux sous-groupes chorégraphiques. Des descriptions du type ethnographiques sont alors réalisées afin de faire ressortir ce qui parait à première vue, invisible.

5. Observation de l'activité de création

Les transactions sont observées au sein de deux sous-groupes chorégraphiques d'une même classe où évoluent Alice et James, en première séance de danse. Ils créent leur propre mouvement dansé à partir de l'initiale de leur prénom en mobilisant une partie du corps : pour l'une, "danser la lettre A" avec un genou et pour l'autre, "danser la lettre J" avec la tête.

6. Éléments de discussion

Les premiers éléments portent sur la complexité d'enseigner et d'apprendre des savoirs relatifs à la création chorégraphique, dans un contexte où est valorisée la singularité des mouvements dansés par chaque élève au profit d'une diversité équilibrée au sein du groupe. L'attention sensible diffère selon les attentes de chacun, élèves et professeur. Les transactions font apparaitre des régulations didactiques plus ou moins efficaces quant à la qualité épistémique des réalisations. Cependant, Alice et James présentent des capacités épistémiques dans la forme de leur mouvement dansé, dont s'empare la professeure. Les notions de milieu et rétroaction du milieu sont approfondies.

Bibliographie

CDpE (2019). Didactique pour enseigner, Presses universitaires de Rennes.

Benoit, H. (2012). Pluralité des acteurs et pratiques inclusives : les paradoxes de la collaboration, La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation, 57,65-78.

Loquet, M., Hudson, B.,Wegner, A. (2022). Epistemic Quality of Physical Education in a High school in France. In B. Hudson, N. Gericke, C. Olin-Scheller and M. Stolare (Eds.) International Perspectives on Knowledge and Curriculum : Epistemic Quality across School Subjects, Bloomsbury Publishing.

Loquet, M. (2017). La notion de parenté épistémique : une modélisation des savoirs entre la pratique des élèves et celle des savants, l'exemple de la danse au collège. Recherches en éducation, 29, 38-55.

Polanyi, M. (1966). The Tacit Dimension. London: Routledge & Kegan Paul

Sensevy, G., Blocher, J-N, Goujon, C., Forest, D. (2022). Le film d'étude. In B. Albero&J. Thievenaz. Traité des méthodes en Science de l'Éducation et de la Formation, Éditions Raison et Passions.

Sensevy, G. (2011). Le sens du savoir. Éléments pour une théorie de l'action conjointe en didactique, De Boeck.

Serre, J.C. (1984). La danse parmi les autres formes de la motricité. In La Recherche en Danse, 3, 135-156.

Tremblay, P. & Toullec-Théry, M. (2020). Le coenseignement : théories, recherches et pratiques. Presses Universitaires de Paris-Nanterre et l'INSHEA.

Vilaine, V. (2022). Scolariser un élève en situation de handicap, la question de l'attention conjointe en classe, Recherches en éducation, 48, 94 -108



[1] Pour Serre, le mouvement est une forme qui est investie en elle-même et pour elle-même. Ces mouvements sont dits morphocinétiques.

[2] Il s'agit de reconnaitre la « singularité » de chaque élève contribuant ainsi à la diversité du groupe-classe, pour s'éloigner d'un attachement aux « différences » favorisant plutôt l'hétérogénéité du groupe d'élèves.

[3] HCEAC (2022): https://www.education.gouv.fr/le-haut-conseil-de-l-education-artistique-et-culturelle-11552



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