Communications par auteur.e > Florey Sonya

Compétences lectorales d'élèves et pratiques de leurs enseignant·e·s : une recherche internationale pour en comprendre la progression au fil de la scolarité
Judith Emery-Bruneau  1@  , Sonya Florey  2@  
1 : Université du Québec en Outaouais
Gatineau -  Canada
2 : Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud, UER de didactique du français

Cette communication s'inscrit dans l'axe 2 et est complémentaire à celle de Dufays et Brunel sur la progression dans les pratiques d'enseignement de la lecture.
La réflexion sur le curriculum scolaire est un axe incontournable des recherches liées à la rénovation des programmes des années 2000, dans différents pays francophones occidentaux, laquelle a adopté de manière plus ou moins appuyée une approche par compétences. Ces choix ont été renforcés par la prise de conscience de ruptures problématiques entre le primaire et le secondaire (Tauveron, 2002). S'intéresser au curriculum, c'est analyser une construction qui vise à influer sur les processus d'enseignement et d'apprentissage qui se déroulent concrètement dans les classes, c'est aussi analyser les contenus à enseigner, les objets enseignés, les méthodes et les dispositifs par lesquels ceux-ci sont enseignés au fil d'un cursus scolaire. C'est enfin mettre en évidence les logiques de cohérence ou de rupture prévalant entre les différents moments de ce cursus.

Cette perspective oblige forcément à réfléchir à la progression, notion au cœur de notre recherche. La progression désigne la prise en compte concrète, dans les situations de classe, d'une logique temporelle et organisationnelle et en envisage les différentes influences et déterminations (Nonnon, 2010). Ainsi entendue, la notion de progression s'inscrit également en relation avec les apprentissages puisqu'elle articule la prise en compte de l'organisation dans le temps des enseignements avec « l'expérience du temps des apprentissages » (Nonnon, 2010, p. 7). En cherchant à comparer la progression des enseignements et des apprentissages d'un objet spécifique, nous mettons également en évidence les principes qui président à la logique de progression d'un tel objet.

Notre recherche s'inscrit dans le prolongement de travaux récents relatifs à la progression dans l'enseignement et l'apprentissage de la lecture (dont Dumortier et al., 2012 ; Hébert, 2013 ; Falardeau et al., 2014 ; Thévenaz-Christen, 2014 ; Brunel et al., 2017 ; Ronveaux et Schneuwly, 2018 ; Louichon, 2020). Comme l'a d'ailleurs rappelé Nonnon (2010, p. 6), « la notion de progression [...] est centrale dans toute réflexion didactique », puisqu'une meilleure adéquation entre les compétences des élèves et les pratiques d'enseignement apparait comme un gage de « sécurité lectorale » pour les élèves de différents degrés (Tauveron, 2002). Nous avons ainsi cherché à mieux percevoir comment les élèves et les enseignant·e·s se saisissent d'une œuvre littéraire. Plus précisément, nous avons voulu décrire les compétences mobilisées par les élèves et mieux comprendre leurs difficultés. Puis, du côté des enseignant·e·s, notre étude a permis de mieux identifier les variations de cet objet enseigné et les influences qui guident leurs choix. Notre recherche se déplie donc en trois volets : quelles sont les compétences des élèves en lecture d'un texte littéraire aux différents niveaux de la scolarité obligatoire ? Quelles sont les pratiques de leurs enseignants ? Et qu'en est-il des relations entre ces compétences et ces pratiques ?

Pour mettre en lumière les porosités, les tensions ou les difficultés qui émergent dans les compétences lectorales des élèves et les pratiques de leurs enseignant·e·s au fil du curriculum de nos pays respectifs (Belgique, France, Suisse romande et Québec-Canada), notre équipe de recherche a étudié la progression des compétences et des pratiques d'enseignement et d'apprentissage de la lecture entre le niveau 4 (élèves de 9-10 ans), le niveau 7 (élèves de 12-13 ans) et le niveau 10 (élèves de 15-16 ans) en recueillant trois ensembles de données au départ d'un protocole axé sur la lecture du même texte, à savoir la nouvelle de Romain Gary « J'ai soif d'innocence ». Portant sur 80 classes, ce qui représente au total 1787 élèves et 69 enseignants (participants répartis dans ces 3 niveaux et dans nos 4 pays), nos données consistent : 1° dans les réponses des élèves à un questionnaire composé de trois questions ouvertes qui leur a été soumis après une première lecture individuelle du texte ; 2° dans les séances de classe mises en place par les enseignant·e·s au terme de cette première activité. Pour le volet « élèves », nous avons analysé leurs compétences en fonction de trois opérations de lecture : compréhension, appréciation, interprétation. Pour le volet « pratiques d'enseignement », nous avons analysé les pratiques effectives de ces trois opérations de lecture, en plus des schèmes transversaux, des gestes didactiques et des genres d'activités scolaires. L'ensemble de ces données ont été analysées quantitativement (traitement statistique) et qualitativement (sur des échantillons restreints afin de mieux affiner notre grain d'analyse en regard de résultats saillants).

Dans cette communication, et étant donné que nous avons mené nos analyses à terme, nous présenterons l'ensemble de nos résultats pour les deux volets de la recherche (compétences lectorales des élèves et pratiques d'enseignement du même texte littéraire), dans une perspective comparatiste, soit selon les trois niveaux et les quatre pays. En ce qui concerne les compétences lectorales des élèves, nous avons identifié, sans surprise, une forte augmentation progressive des scores, entre les niveaux 4, 7 et 10, dans les trois opérations évaluées (compréhension, interprétation, appréciation). Nous sommes en mesure d'identifier cependant de façon plus spécifique quels aspects du texte et quelles dimensions des opérations de lecture expliquent cette progression. Quant aux pratiques d'enseignement, notre étude a permis de dégager des spécificités propres aux différents niveaux scolaires. Enfin, la comparaison selon les contextes nationaux nous mène à avancer quelques constats en regard de l'effet des programmes et de la formation des enseignant·e·s.

Références bibliographiques :

Brunel, M., Émery-Bruneau, J., Dufays, J.-L., Dezutter, O. & Falardeau, É. (dir.). (2017). L'enseignement et l'apprentissage de la lecture aux différents niveaux de la scolarité. Namur : Presses universitaires de Namur.

Dumortier, J.-L., Van Beveren, J. & Vrydaghs, D. (dir.). (2012). Curriculum et progression en français. Actes du 11e colloque de l'AIRDF. Namur : Presses universitaires de Namur.

Falardeau, É., Pelletier, C., Pelletier, D. & Gagné, J.-C. (2014). Portrait des capacités métacognitives d'élèves québécois du secondaire dans la lecture de récits. Language & Literacy, 16 (2), p. 69-89.

Glatthorn, A. (1987). Curriculum Leadership. Scott : Foresman. 

Hébert, M. (2013). Lire, commenter, discuter un même roman au primaire et au secondaire. Quelles différences ? Revue des sciences de l'éducation, 39 (1), p. 119-146.

Louichon, B. (dir.) (2020). Un texte dans la classe. Bruxelles : Peter Lang.

Nonnon, E. (2010). La notion de progression au cœur des tensions de l'activité d'enseignement. Repères, 41, 5-34.

Ronveaux, C. & Schneuwly, B. (dir.) (2018). Lire des textes réputés littéraires : disciplination et sédimentation. Enquête au fil des degrés scolaires en Suisse romande. Bruxelles : Peter Lang.

Tauveron, C. (2002). Lire la littérature à l'école. Paris : Hatier pédagogie.

Thévenaz-Christen, T. (dir.) (2014). La lecture enseignée au fil de l'école obligatoire. L'exemple genevois. Namur : Presses universitaires de Namur.


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