S3 - L'interculturalité « virtuelle » dans les enseignements-apprentissages à l'université. Quelle place des outils numérique et de la présence de l'enseignant ? Cas des échanges entre étudiants français et suédois
Eric Mutabazi  1@  
1 : Université Catholique de l'Ouest
UCO Nantes

Depuis sa création, le numérique ne cesse de se développer et l'être humain dispose aujourd'hui d'un nombre important d'outils technologiques facilitant la communication et les rencontres virtuelles entre les personnes de différents endroits du monde. Nous pouvons notamment évoquer l'utilisation de courriels, de téléphones portables ou des logiciels et plateformes Skype, Facebook, Zoom, TEAMS, YouTube, etc. Ces derniers permettent actuellement des interactions quotidiennes libres ou encadrées dans des contextes virtuels dépassant les frontières régionales, nationales et internationales. Ces outils sont même exploités dans certains contextes pour des finalités d'enseignement. En effet, des ressources, des données et des savoirs savants (Chevallard (1985) se trouvant sur les sites Internet sont parfois utilisés dans l'enseignement primaire, secondaire et universitaire aussi bien par les étudiants que par les enseignants. Comme le mentionne Gaté, Mutabazi et Gaté (2021), ces outils numériques sont exploités dans le travail personnel de l'étudiant, dans les échanges entre enseignants-étudiants ou dans la collaboration entre les étudiants lors des travaux en groupe.

Dans cette contribution, nous allons présenter les résultats de nos observations et focus groupes réalisés pendant trois ans (2016-2019) lors des programmes d'échange d'étude entre les étudiants français et suédois. Ces échanges ont été effectués, à travers la visioconférence, entre 49 étudiants français et suédois (15 à 17 étudiants chaque année) inscrits en licence Sciences de l'éducation à l'Université Catholique de l'Ouest (UCO) en France et à l'Université d'UPPSALA en Suède. Cette coopération entre ces deux universités admet non seulement les mobilités des étudiants et enseignants, mais également les études comparatives sur des mêmes thématiques lors des cours ouverts dans les facultés d'éducation de ces deux universités. L'objectif de notre communication est donc de montrer comment les échanges interculturels entre les étudiants de ces deux universités, via cet outil numérique (visioconférence), ont contribué à l'acquisition de nouveaux savoirs sur les thématiques étudiées notamment l'accompagnement des personnes de la rue (Mutabazi et Sundh, 2021). En effet, comme le soulignent Perez, Groux et Ferrer (2002), les échanges interculturelles rendent possible une rencontre avec l'autre, son institution éducative, son histoire, sa culture. Ce qui permet de casser les évidences (Brougère, 2005) et de « réfléchir aux conditions de rupture épistémologique par rapport au sens commun, aux prénotions et aux schèmes d'analyse propres à sa culture » (Vigour, 2005, p.17).

Dans notre présentation, nous allons tenter de répondre aux questions suivantes : Comment les enseignants de ces deux universités partenaires ont-ils pensé, préparé et organisé la transposition didactique du savoir savant au savoir enseignée (Chevallard, 1985) à travers les échanges interculturels «virtuelles » ? Quel était le savoir savant (textes scientifiques) qui faisait l'objet de temps d'échange en distanciel et pourquoi son choix? Comment la visioconférence a-t-elle favorisé des rencontres et des échanges interculturelles (Abdallah-Pretceille, 2008) « virtuelles »? Quel était le discours des étudiants sur la thématique abordée avant, pendant et après les échanges? Quel était la place des enseignants dans ce processus d'apprentissage en hybride ?

Les résultats de notre étude montrent que la visioconférence a permis non seulement la médiation des rencontres interculturelles virtuelles entre les étudiants français et suédois (sujets didactiques), mais aussi l'acquisition de nouveaux savoirs sur les thématiques enseignées. Ces rencontres « interculturelles virtuelles » ont donc offert à ces étudiants la possibilité de construire et d'acquérir d'autres connaissances à travers les échanges et le partage d'expériences (Mutabazi et Sundh, 2017, 2021). Cependant, même si les enseignants étaient plutôt restés en arrière-plan, en occupant « la place du mort » (Houssaye, 1988) pendant ce temps d'échange virtuel, nous pouvons affirmer que leur présence était indispensable. Néanmoins dans cette forme d'hybridation, le rôle des enseignants n'est plus de transmettre directement le savoir aux étudiants comme en présentiel, mais de les guider, les accompagner, les orienter, les motiver ainsi que de faciliter leur communication et leurs interactions dans ces échanges virtuels (Mutabazi 2019 et 2022). Ils sont plutôt facilitateurs du processus, du contenu, technologue, évaluateur et chercheur. En fin de compte, on constate, comme le montre ailleurs Peraya (2011) qu'une « présence à distance » de l'enseignant est essentielle dans ce type d'apprentissage. Ils créent et organisent une multitude d'activités permettant non seulement les échanges interculturels virtuels, mais également les apprentissages à l'université qui s'appuient sur une didactique du travail de groupe (Sundh, 2018). D'où la nécessité de former des enseignants disposant le projet d'utiliser ce type de didactique exploitant « l'interculturalité virtuelle » dans les enseignements-apprentissages à l'université.

Bibliographie

  • ABDALLAH-PRETCEILLE, M. (2008). L'éducation interculturelle. Paris, PUF.
  • CHEVALLARD, Y. (1985). La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné. Grenoble, La pensée sauvage.
  • CHEVALLIER-GATE, C. & GATE, J-P. et MUTABAZI, E (2021). Présence et numérique à l'université : vers un nouveau rapport au savoir. In R. Hétier, (dir.), Présence et numérique en éducation. Lormont, Le Bord de l'eau, pp. 125-144.
  • HOUSSAYE, J (1988). Le triangle pédagogique. Berne, Peter Lang.
  • MUTABAZI, E. (2022). Le numérique métamorphose-t-il le métier de l'enseignant ? In B. Cholvy, D. Doat, P. Marin, T-M. Pouliquen et N. Wallenhorst (dir.), L'avenir. Critique, résistance, utopie. Bruxelles, Peter lang, pp.241-251.
  • MUTABAZI, E. & SUNDH, S. (2021). La visioconférence : support pédagogique facilitant "l'interculturalité virtuelle" dans les apprentissages à l'université ? Cas des échanges entre étudiants français et suédois. In R. Hétier (dir.), Présence et numérique en éducation. Lormont, Le Bord de l'eau, pp. 145-160.
  • MUTABAZI, E. (2019). Pratiques et usages numériques des étudiants. In C. Nafti-Malherbe et L. Rakia (dir.), Rapport aux savoirs et sens des études dans l'enseignement supérieur pour des étudiants à l'échelle internationale. Le Coudray-Macouard, Feuillage, pp.121-130.
  • MUTABAZI, E. & SUNDH, S. (2017). « Comparaison d'expériences scolaires comme moyen pédagogique : cas d'un dispositif pédagogique favorisant l'échange sur la spécificité culturelle entre étudiants français et suédois autour du métier de professeurs des écoles ». In Nathanaël Wallenhorst, Comparer des expériences, Revue d'Éducation comparée, 17, 33-57.
  • PERAYA, D. (2011). « Un regard sur la « distance », vue de la présence ». In Distances et savoir, 3, vol.9, pp.445-452.
  • PEREZ, S., GROUX, D. & FERRER, F. (2002). Éducation comparée et éducation interculturelle : éléments de comparaison. In Dasen, P. & Perregaux, C. (Eds.), Pourquoi des approches interculturelles en sciences de l'éducation ? Bruxelles, De Boeck, pp. 49-65.
  • SUNDH, S. (2018). International Exchange of Ideas in Student-Interactive Videoconferences - Sustainable Communication for Developing Intercultural Understanding with Student Teachers. In Discourse and Communication for Sustainable Education, vol. 9, no. 2, pp. 123-133.
  • VIGOUR, C. (2005). La comparaison dans les sciences sociales. Paris, La Découverte.


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