S3 – L'enjeu de la co-production de ressources pédagogiques dans un contexte de transposition didactique inachevée : le cas de l'enseignement agricole
Nina Asloum  1, 2@  , Jean-Pierre Del-Corso  1@  , Guillaume Gillet  1, 2@  
1 : ENSFEA
Ministère de l'alimentation de l'agriculture et de la pêche
2 : UMR, Éducation Formation Travail Savoirs (EFTS)
Université Toulouse le Mirail - Toulouse II

L'enseignement agricole est une composante à part entière du système éducatif français. Il assume une mission de formation générale des élèves comparable à celle dévolue à l'Education Nationale. En même temps, rattaché à un ministère technique, le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, il est également tenu d'assurer une mission de formation technologique et professionnelle des futurs acteurs du monde agricole et rural. A ce titre, il est devenu depuis le début des années 1960 l'une des composantes essentielles du système d'innovation agricole (Allaire, 1996). Son rôle dans la diffusion de nouveaux savoirs technico-économiques durant la période 1960-1970 a largement contribué au renouvellement des pratiques et normes professionnelles en agriculture. Il a ainsi participé activement à l'instauration d'un modèle de développement agricole qualifié de productiviste, car s'inspirant des méthodes fordistes (Allaire et Boyer, 1995).

Depuis le début des années 1990, l'émergence de nouvelles préoccupations sociétales (qualité et sécurité alimentaire, développement durable, etc.) a cependant eu pour conséquence de requestionner la validité de ce modèle productiviste. L'évaluation sociale de l'activité agricole n'est plus seulement réalisée au regard de sa capacité à produire des biens alimentaires en abondance mais également de sa contribution sociale et environnementale. Ces nouvelles préoccupations sociétales trouvent une traduction dans le projet agro-écologique pour la France (MAA, 2016).

Dans ce contexte évolutif, l'enseignement agricole est considéré par les responsables politiques et administratifs du MAA comme un acteur majeur du changement de modèle professionnel en agriculture et aussi un acteur d'accompagnement vers de nouveaux métiers dans les territoires ruraux. Pour répondre à cette ambition, les programmes de l'enseignement agricole sont régulièrement rénovés. Ces rénovations se traduisent par l'introduction de nouveaux objets d'enseignement (territoire, ressource commune, service écosystémique, etc.) et l'expérimentation de nouvelles démarches pédagogiques (démarche par projet ou par investigation, interdisciplinarité...). A travers celles-ci, il s'agit pour l'enseignement agricole de favoriser le développement par les apprenants de compétences requises pour agir dans des environnements socio-techniques et naturels de plus en plus complexes. Force est cependant de constater que ces rénovations soulèvent d'importantes difficultés de mise en œuvre par les équipes pédagogiques (Asloum et Bedoussac, 2020). Notamment, si les nouveaux objets d'enseignement introduits apparaissent dans les curricula au cœur du processus de formation de professionnalités émergentes (Jorro, 2014), ils ne sont pas toujours adossés à des « savoirs » clairement identifiés et/ou bien stabilisés. Cette situation de Transposition Didactique (TD) « inachevée » place les enseignants dans des états d'incertitude plus ou moins profonds (Del Corso, 2008).

Partant de ce diagnostic, la proposition de communication poursuit deux objectifs. Premièrement, elle vise à éclairer plus en détail les défis auxquels font face les équipes pédagogiques de l'enseignement agricole à la lueur de la théorie de la transposition didactique d'Yves Chevallard (1985 ; 1999). Deuxièmement, ayant montré les spécificités du processus de transposition didactique à l'œuvre dans cet enseignement, elle justifie l'intérêt de recourir à des dispositifs innovants de co-production de ressources pédagogiques conçus à l'articulation entre la recherche et la formation. L'introduction récente de la thématique du territoire dans les référentiels de la formation, plus précisément dans des enseignements d'économie, sert de cas d'étude.

Références bibliographiques

Allaire, G., & Boyer, R. (1995). La grande transformation de l'agriculture : lectures conventionnalistes et régulationnistes. Inra-Quae.

Allaire, G. (1996, December). Transformation des systèmes d'innovation. Réflexions à partir des nouvelles fonctions de l'agriculture. In Colloque : Nouvelles fonctions de l'agriculture et de l'espace rural. Enjeux et défis identifiés par la recherche (29-p).

Asloum, N., & Bedoussac, L. (2020). Analyse des représentations sociales des enseignants. es du «produire autrement» vis-à-vis des directives ministérielles. Éducation relative à l'environnement. Regards-Recherches-Réflexions, 15(2).

Chevallard, Y. (1985). La transposition didactique : du savoir savant au savoir enseigné. La Pensée sauvage.

Chevallard, Y. (1999). L'analyse des pratiques enseignantes en théorie anthropologique du didactique. Recherches en didactique des mathématiques (Revue), 19(2), 221-265.

Del Corso, J. P. (2008). Éducation à l'ordre institutionnel et types de discours en économie et en gestion. Comment l'enseignement prépare-t-il des conseillers en agriculture aux situations d'incertitude (Doctoral dissertation, Thèse de doctorat non publiée). Université de Toulouse-Le Mirail, Toulouse).

Jorro, A. (2014). Professionnalité émergente. Dictionnaire des concepts de la professionnalisation, 241-244.

Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. 2016. Le projet agro-écologique en 12 clés. https://agriculture.gouv.fr/le-projet-agro-ecologique-en-12-cles


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