S6 – Les savoirs réflexifs des élèves dans le dispositif « Ateliers démocratiques pour une expression réflexive »
Fabienne Briere-Guenoun  1, 2@  , Nicolas Sembel  3@  
1 : Apprentissage, Didactique, Evaluation, Formation
Aix Marseille Université : UR4671, Aix Marseille Université : EA4671
3 Place Victor Hugo13331 MarseilleCedex 3 -  France
2 : INSPE Aix-Marseille Université
Aix-Marseille Université
3 : Apprentissage, Didactique, Evaluation, Formation  (ADEF)
Aix Marseille Université : EA4671, INRP
3 Place Victor Hugo13331 MarseilleCedex 3 -  France

Notre communication s'inscrit dans les orientations du symposium Axe 2 proposant une lecture particulière des évolutions pédagogiques identifiées par l'argumentaire du colloque, autour de la démarche d'enquête. Nous nous intéressons aux effets d'un dispositif spécifique de « discussion à visée philosophique » (Tozzi, 2005) développé par Müllner (2021), les « Ateliers Démocratiques pour une Expression Réflexive » (ADER), mobilisant l'acquisition de savoirs transversaux adossés aux compétences réflexives et citoyennes d'élèves de collège et lycée[1]. Si les études mettent en avant l'impact de tels dispositifs sur le développement de savoirs disciplinaires moraux, civiques, philosophiques (Richard-Bossez, Floro et Legardez, 2018) ou les acquisitions langagières d'élèves du premier degré (Berton, 2016), peu d'entre elles ont mesuré précisément leurs effets sur l'appropriation par des élèves du second degré de savoirs réflexifs transversaux et, de ce fait, manquent selon nous l'essentiel de la démarche d'enquête, en la coupant des savoirs en jeu.

Le dispositif ADER, mené par un enseignant ou un conseiller principal d'éducation sur un temps scolaire spécifique (12 ateliers d'une heure) dégagé par le chef d'établissement, fonctionne sur le mode de la rencontre avec le monde des concepts durant laquelle les élèves apprennent ensemble à discuter de questions éthiques et de citoyenneté, à mobiliser des connaissances, à adopter une attitude raisonnée (Müllner, 2021). Par principe à la croisée de différentes disciplines, ces savoirs produits dans un contexte nouveau mettent en jeu différents objets d'enseignement jusque-là peu formalisés, tels que savoir problématiser, conceptualiser, raisonner, confronter son point de vue, argumenter et développer son esprit critique, réfléchir au sens le plus fort du terme. Notre projet vise d'une part à examiner comment les enseignants ou conseillers principaux d'éducation s'emparent du dispositif ADER et d'autre part à identifierles effets de ce dispositif sur les savoirs réflexifs des élèves, et leur transposition/reformulation y compris conflictuelle dans les savoirs disciplinaires scolaires.

Notre recherche de type collaboratif (Desgagné et Bednarz, 2005) associe des chercheurs et différents types d'acteurs du second degré d'un réseau d'éducation prioritaire (pilotes de réseau, chefs d'établissement, enseignants, conseillers principaux d'éducation)[2] engagés ensemble dans la co-construction d'indicateurs relatifs à l'acquisition ou l'empêchement de savoirs réflexifs transversaux, en permettant l'évaluation. Elle s'inscrit dans une orientation théorique plurielle au carrefour d'approches didactiques et clinique de l'activité (Brière et Espinassy, 2021) et de la sociologie des savoirs (Sembel, 2003). Pour étudier la « dynamique transactionnelle » des actions conjointes du formateur et des enseignants relative aux savoirs co-construits dans le dispositif ADER nous mobilisons deux types de descripteurs empruntés à la modélisation de l'action didactique conjointe (Ligozat et al., 2017) : les actions didactiques du professeur (définir, dévoluer, réguler, institutionnaliser) et le triplet des genèses qui renseigne l'évolution du milieu didactique, du temps d'apprentissage/enseignement et des places respectives occupées par les acteurs, notamment l'analyse des indicateurs de la réflexivité des élèves.

La démarche méthodologique met en relation différents corpus : des entretiens d'enseignants (préalables et post-observations), des observations puis enregistrements filmés ou photographiés de deux ateliers ADER[3], supports d'entretiens en auto-confrontation simples et croisés, et des traces évaluatives (bulletins scolaires, évaluations nationales). Le contexte est celui d'un réseau scolaire très paupérisé de la banlieue d'Avignon. Le traitement des données vise à renseigner l'activité conjointe des enseignants et des élèves dans les ateliers ADER en croisant deux échelles d'analyse, mésodidactique et microdidactique, puis, par recoupement des analyses des différentes traces, à identifier les indicateurs d'acquisition des compétences réflexives des élèves. Inspirées des travaux de Leutenegger (2009), les modalités d'analyse reposent sur une démarche indiciaire notamment fondée sur les processus d'estrangement (Ginzburg, 2001) permettant une dé-familiarisation, une mise à distance des phénomènes observés puis une reconstruction des significations par recoupement des analyses.

L'hypothèse est celle de l'impact d'ADER sur la reformulation du rapport au savoir des acteurs impliqués, enseignants et élèves. Les résultats attendus concernent l'identification des actions didactiques du professeur au fil des différentes séances dans les ateliers ADER menés avec deux classes pour installer le cadre, impliquer les élèves et mettre à l'étude des contenus thématisés autour de questions discutées. Nous souhaitons mettre en évidence des traits génériques et spécifiques des modalités de conduite de la discussion en classe. Les résultats visent également à co-élaborer des indicateurs des savoirs réflexifs transversaux mobilisés dans ces ateliers afin d'interroger leur potentiel réinvestissement dans d'autres contextes scolaires.

 

Références bibliographiques

Berton, B. (2016). Qu'apprend-on dans des pratiques de débat philosophique à l'école primaire ?, Repères, 54, 17-38. https://doi.org/10.4000/reperes.1077

Brière F., Espinassy L. (2021). De l'analyse de l'activité aux analyses didactiques : une recherche participative. Mise en œuvre de l'évaluation par compétences au cycle 3 en réseau d'éducation prioritaire. Phronesis, 10(1), 18-36.

Desgagné, S. et Bednarz, N. (2005). Médiation entre recherche et pratique en éducation : faire de la recherche « avec » et plutôt que « sur » les praticiens. Revue des sciences de l'éducation, 31 (2), 245-258.

Ginzburg, C. (2001). A distance. Gallimard.

Leutenegger, F. (2009). Le temps d'instruire. Approche clinique et expérimentale du didactique ordinaire en mathématique. Peter Lang.

Ligozat, F., Lundqvist, E. et Amade-Escot, C. (2017). Analysing the continuity of teaching and learning in classroom actions: When the joint action framework in didactics meets the pragmatist approach to classroom discourses. European Educational Research Journal, 17(1), 147-169.

Müllner, D. (2021). Chapitre 5 – Atelier démocratique pour une expression réflexive. Dans C. Marsollier (Ed.), Espaces de parole à l'école. Quels enjeux, quelles pratiques? Paris : Berger-Levrault.

Richard-Bossez, A., Floro, M. & Legardez, A. (2018). Les débats d'inspiration philosophique : Une pratique ambivalente pour l'enseignement moral et civique ?. Spirale - Revue de recherches en éducation, 62, 73-88. https://doi.org/10.3917/spir.062.0073

Sembel N. (2003). Le travail scolaire. Paris, Nathan Université.

Tozzi M. (2005). L'émergence de pratiques à visée philosophique à l'école et au collège : comment et pourquoi ? Spirale, 35, 9-26.


[1] Ces ateliers sont également mis en place dans le premier degré mais notre étude se focalise sur le second degré.

[2] Cette recherche en cours depuis mai 2022 est financée par le projet PIA3 Ampiric pour une durée de deux ans.

[3] Nous projetons d'étudier de façon suivie deux ateliers ADER durant l'année scolaire 2022/2023 puis deux autres ateliers durant l'année 2023/2024.



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