S9 - Co-problématiser des techniques d'intervention didactique en danse
Bruno Lebouvier  1@  
1 : Centre de Recherche en Education de Nantes
Université de Nantes, Université de Nantes : EA2661

Objet et contexte

Notre étude se situe dans des approches collaboratives (Morrissette, J., Pagoni, M., & Pepin, M ; 2017) qui combinent des visées compréhensives, développementales et pragmatiques. Elle s'intéresse à la collaboration qui se joue entre enseignants et chercheurs pour construire et comprendre des techniques d'intervention didactique qui favorisent la prise en charge de problèmes disciplinaires par les élèves. Plus spécifiquement nous discutons ici la construction collaborative de techniques d'intervention didactique en danse par une équipe plurielle constituée d'enseignants en CM1 et CM2, de chercheurs et d'experts. Dans ce projet de recherche-formation nommé « co-problématiser pour apprendre en classe », l'équipe développe et met au point des scénarios d'enseignement et d'apprentissage coopératifs dans une démarche d'investigation en boucle répétée. Par les rôles et les points de vue distincts qu'ils occupent, les membres de l'équipe nourrissent la recherche de solution et problématisent l'intervention didactique. Une boucle se déroule à l'échelle d'une année. Trois phases majeures s'y succèdent : conception de la séquence, mise en œuvre, analyse. La première boucle s'est déroulée au cours de l'année 2021-2022, la seconde est en cours. La recherche se pose la question des dynamiques de construction de ces techniques d'intervention au regard des tentatives mises en œuvre, des conceptions qui les portent, des rôles et de l'évolution des rôles occupés par les différents acteurs.

Cadres théoriques

L'étude de la construction collaborative de technique d'intervention didactique mobilise le cadre des apprentissages par problématisation (Fabre, 2009 ; Orange, 2002). En rupture avec la mise à disposition de savoirs formels ou de recettes didactiques dont les acteurs ne maitriseraient pas les tenants et les aboutissants, notre approche postule que ces techniques renvoient à la construction des problèmes (Lebouvier et al, 2016). Problématiser pour apprendre amène à examiner et discuter les conditions de possibilité des solutions d'un problème. Dans ce projet, l'équipe plurielle cherche à construire des techniques didactiques problématisées par l'exploration collaborative d'un champ des possibles et des impossibles. Celles-ci sont structurées de manière systémique par les hypothèses et les questions qu'elles tentent de prendre en charge, ainsi que par des tentatives, des faits, des principes et des raisons qui les organisent. La problématisation nous permet ici d'examiner le cheminement collaboratif des acteurs au regard d'un problème commun. Enseignants, chercheurs et experts en danse n'ont pas les mêmes arrière-plans conceptuels, les mêmes principes. Ils ne voient pas les mêmes choses, font des hypothèses d'intervention différentes sur les situations d'enseignement et d'apprentissage. Leurs discussions ou les controverses didactiques qu'ils mènent nous permettent de documenter les faits ou les conceptions qui les animent et ainsi d'accéder à leurs différentes contributions à la construction du problème. 

Nous envisageons la dynamique de cette structuration au regard 1) d'un processus de construction de communauté discursive emprunté aux sciences du langage 2) du point de vue des contributions particulières liées aux rôles occupés par les acteurs. Dans la suite des travaux de Bernié, Jaubert et Rebière (2004), les communautés discursives traduisent une manière d'agir, de penser, de parler qui est propre à une activité sociale spécifique. Le partage des activités, les objets de discours, les usages langagiers et les genres de discours mobilisés nourrissent la construction de ces communautés discursives[1] disciplinaires, ici professionnelles. Par ailleurs, les échanges auxquels contraint le scénario de recherche collaborative amènent chacun à mettre en position d'objets les évènements d'apprentissage vécus au cours des interventions didactiques. Les points de vue liés à des rôles différents se croisent en amenant les différents membres de l'équipe à les reprendre et à les transformer dans des contextes nouveaux. La référence Vygotsky (2003) aide à penser cette seconde dynamique. Il attribue à la prise de conscience la redécouverte d'un objet dans un nouveau contexte qui l'amène à le voir autrement et à mieux le comprendre.

Méthodologie

La démarche globale de la recherche emprunte au scénario des séquences forcées (Orange, 2010) en ce qu'elles cherchent à produire des phénomènes didactiques dans la classe pour mieux les comprendre. En plus des trois phases évoquées à l'échelle d'une année, entre chaque leçon d'une séquence, l'équipe débriefe, analyse la leçon passée et projette l'intervention lors de la leçon suivante. Ces différentes temporalités permettent d'apprécier les dimensions stratégiques à l'échelle annuelle et les aspects plus « tactique » sur le suivi interactif dans le déroulement de la séquence. Il s'agit ainsi d'accéder 1) aux évolutions et aux dynamiques évolutives de la construction de techniques d'intervention didactiques, 2) à la contribution respective des acteurs du point de vue des rôles qu'ils occupent. Le corpus croise plusieurs types de données.

- Les débats de conception

- Les vidéos des tentatives de mise en œuvre

- Les débriefings inter-leçon.

Résultats attendus

La boucle 2022-2023 et les analyses de la boucle 2021-2022 sont en cours. Les résultats portent sur les contributions respectives des différents acteurs à la prise en charge du problème dans le croisement de plusieurs registres 1) celui de l'argumentation et des activités argumentatives qui génèrent des processus de co-construction des techniques en même temps qu'elles font évoluer les acteurs 2) celui des positions sociales (postures) et épistémiques (faits, concepts et hypothèses) liées aux différents rôles que fait vivre le projet 3) celui épistémique lié à la mobilisation de références relatives à des formalisations didactiques, des travaux sur l'apprentissage ou le savoir en jeu. 

 

Références bibliographiques

Bernié J.-P., Jaubert M., Rebière M. (2004). « L'hypothèse 'communauté discursive' : d'où vient-elle ? Où va-t-elle ? », in Les cahiers Théodile 4, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3, 51-80.

Fabre, M. (2009). Philosophie et pédagogie du problème, Paris, Vrin.

Lebouvier, B., Ouitre, F., & Briaud., Ph. (2016). Aider les enseignants débutants à problématiser la conception de situations d'enseignement-apprentissage. Recherche en Education, Hors-Série n° 9. http://www.recherches-en-education.net/

Morrissette, J., Pagoni, M. et Pepin, M. (2017). Les recherches collaboratives en éducation et en formation. Référents théoriques, outils méthodologiques et impacts sur les pratiques professionnelles. Phronesis, 6, n° 1-2.

Orange, C. (2002). Apprentissages scientifiques et problématisation, Les Sciences de l'éducation, pour l'ère nouvelle, 35 ,1, 25-42.

Vygotsky, L. (2003). Conscience, inconscient, émotions (F Sève et G Fernandez trad).


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