Dans cette communication, nous présentons le travail conduit par trois chercheur·es de l'orientation ADC-PC « Action didactique conjointe-perspectives comparatistes » de l'UMR EFTS, qui se situe dans une double perspective : celle de théorisation de l'action didactique considérée comme conjointe entre les divers acteur·rices du système didactique, et celle, comparatiste, car contribuant au projet, « en dialogue avec les didactiques disciplinaires et les autres champs des sciences humaines et sociales qui prennent pour objet d'étude les phénomènes de transmission de la culture au sein des institutions – de rendre compte des dimensions génériques et spécifiques des phénomènes didactiques au regard des divers objets de savoirs qui les déterminent » (Amade-Escot, 2013, p.65). Les outils théoriques mobilisés concernent 1) la direction d'étude qui relève de deux grands types de tâches i) agencer des milieux didactiques adaptés aux visées d'apprentissage ; ii) gérer au fil des séances, l'interaction des élèves à ces milieux (Chevallard, 1997 ; Verscheure, 2009) et 2) « l'épistémologie pratique du professeur » qui rassemble son intentionnalité didactique, sa conception du savoir à enseigner, les objectifs d'apprentissage qu'elle/il valorise, les consignes données et les attentes vis-à-vis des élèves (Amade-Escot, 2019 ; Sensevy, 2007). Nous pointons le double intérêt de la mobilisation de ces outils théoriques, à la fois par les chercheur·es pour penser la démarche de recherche et lors des phases de co-analyse entre chercheur·es et enseignant·es, lesquels s'approprient ces outils qui participent fortement à leur pratique réflexive.
Les terrains de recherche sur lesquels nous nous appuyons pour cette communication ont pour objet d'une part l'EPS dans le premier degré avec une enseignante (Carine) et sa classe de CP en volley-ball (VB) ; et d'autre part la physique-chimie dans l'enseignement secondaire agricole (GAP) par un enseignant (Alexus) mobilisant la démarche d'investigation avec sa classe de 2nd GT. Ils ont en commun de se situer dans le cadre de recherches collaboratives - associant des enseignant·es et des chercheur·es - structurées selon trois principes (Desgagné, 1997). Tout d'abord, « la recherche collaborative suppose la co-construction d'un objet de connaissance entre un chercheur et des praticiens » (ibid, p. 372). C'est précisément la co-construction de sens sur un objet commun qui nous intéresse dans une visée transformative. Au sein du GAP, c'est la démarche d'investigation qui a été choisie collectivement comme objet commun d'étude, au regard de nouvelles prescriptions institutionnelles ; et c'est la direction d'étude lors d'une séquence de VB proposée par les chercheures qui fait l'objet du regard partagé au sein de la recherche collaborative en EPS. Deuxième principe, « la recherche collaborative allie à la fois activités de production de connaissances et de développement professionnel » (ibid p. 376). Ainsi, à différents moments de la séquence de VB les participantes ont conduit ensemble des co-analyses à partir d'outils théoriques didactiques. Un travail analogue a été conduit collectivement au sein du GAP pour analyser la mise en œuvre par un participant d'une séance co-construite par le collectif. Enfin, troisième principe, « la recherche collaborative établit une médiation entre communauté de recherche (...) et communauté de pratique » (ibid, p. 380). Ainsi, le fonctionnement des deux recherches collaboratives sur plusieurs années a permis de stabiliser des groupes de travail tant dans leur composition, que leur questionnement, méthodes de travail et objectifs collectifs. Le maintien dans le temps de ce « dialogue » nous conduit donc à dire que les préoccupations respectives des enseignant·es et des chercheur·es se sont continuellement adaptées, participant au rapprochement entre recherche et pratique (Desgagné et Bednarz, 2005, p. 247).
Ces recherches collaboratives nous ont conduits à interroger la nature des savoirs produits. Dans la perspective tracée par Desgagné et Bednarz (2005, p. 249), il est possible de mettre en avant certaines finalités par rapport à d'autres selon les types de recherche collaborative bien qu'elles soient toutes émancipatrices : une centration sur les acteurs ou personnes en développement, sur les pratiques à transformer ou sur les savoirs à produire. C'est sur cette dernière que nous axons la problématique de recherche présentée dans cette communication : Quels sont les savoirs qui se co-construisent au cours des recherches collaboratives ?
Les principes méthodologiques sont les suivant (même si il y a des variations pour chaque recherche, que nous spécifierons lors de la communication) : Le recueil des données articule des traces écrites, des entretiens de recherche avec les acteur·ices et des enregistrements vidéo et audio des séances ou des séminaires (Schubauer-Leoni et Leutenegger, 2005). Les données ont été traitées à partir des descripteurs de l'action didactique conjointe (Sensevy, 2007) pour décrire l'évolution des savoirs afin d'analyser les différentes interactions didactiques.
Dans les résultats nous revenons sur les effets positifs associés aux différentes étapes des deux recherches collaboratives. Elles s'avèrent être des contextes favorables à la co-construction de savoirs et à l'évolution des pratiques didactiques. Nous pointons particulièrement le renouvellement des pratiques didactiques relatives à l'enseignement des différentes disciplines et la construction de savoirs combinés qui favorisent l'émancipation et la transférabilité à d'autres situations que celles vécues dans le cadre de la recherche. Ceci n'est possible selon nous que dans le cadre d'une collaboration longitudinale qui combine visée de production de connaissances mais aussi de développement professionnel (Ducamp, Verscheure, Amans-Passaga et Pelissier, 2023, in press).
Références bibliographiques
Amade-Escot, C. (2013). Les recherches en didactique, les IUFM et le comparatisme en France. In J-L. Dorier, F. Leutenegger, et B. Schneuwly (Eds.). Didactique en construction – Constructions des didactiques (pp. 63-83). Bruxelles : de Boeck, Raisons Educatives.
Amade-Escot, C. (2019). Épistémologies pratiques et action didactique conjointe du professeur et des élèves. Education & Didactique, Dossier « Formes de comparatisme », 13(1), 109-114.
Chevallard, Y. (1997). Familière et problématique, la figure du professeur. Recherches en Didactique des Mathématiques, 17(3), 17-54.
Desgagné, S. (1997). Le concept de recherche collaborative : l'idée d'un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants. Revue des sciences de l'éducation, 23(2), 371-393.
Desgagné, S, & Bednarz, N. (2005). Médiation entre recherche et pratique en éducation: faire de la recherche “avec” plutôt que “sur” les praticiens. Revue Des Sciences de l'éducation, 31, 245–258.
Ducamp, C., Verscheure, I., Amans-Passaga, C., Pélissier, L. (2023, in press). Genèse des savoirs dans les recherches collaboratives au prisme de l'action didactique conjointe: illustrations en EPS et en Physique-Chimie. In A-M., O'Connell, A-M., F. (coord.). La genèse des savoirs dans les recherches collaboratives : perspectives didactiques. Toulouse, France: Cepadues.
Sensevy, G. (2007). Des catégories pour décrire et comprendre l'action didactique. Dans G. Sensevy & A. Mercier (dir.), Agir ensemble. L'action didactique conjointe du professeur et des élèves (p. 13-49). Rennes, France : PUF, collection Paideia.
Schubauer-Leoni, M.-L. & Leutenegger, F. (2005). Une relecture des phénomènes transpositifs à la lumière de la didactique comparée. Revue Suisse des sciences de l'éducation. 27(3), 407-429.
Verscheure, I. (2009). Modalités de direction d'étude et apprentissage de l'attaque en volley-ball : quels effets de genre ? eJRIEPS, 18, 122-155.