S2 – Transformer la pratique enseignante en sciences : le dispositif de formation comme un dispositif coopératif au sens des communautés de pratiques
Claudia Küll  1, 2@  , Ludovic Morge  3@  , Corinne Marlot  4, 5@  
1 : HEP VD - UER MS (Haute École Pédagogique Vaud - UER Didactiques des mathématiques et des sciences de la nature)
2 : Université Clermont Auvergne
Laboratoire Acté, Université Clermont Auvergne
3 : Activité, Connaissance, Transmission, éducation - Clermont Auvergne  (ACTé)
Université Clermont Auvergne : EA4281
ESPE Clermont-Auvergne / 36 av Jean-Jaurès / 63400 Chamalières -  France
4 : HEP VD - UER MS  (haute École Pédagogique Vaud. UER Maths-sciences)
Avenue de Cour, 33 1000 Lausanne -  Suisse
5 : Activité, Connaissance, Transmission, éducation  (ACTé)
Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II : EA4281
ESPE D'Auvergne 36, avenue Jean-Jaurès 63400 Chamalières -  France

La contribution de cette communication au sein de ce symposium concerne le deuxième axe du colloque. Elle se focalise sur la démarche d'investigation comme objet émergent dans le curriculum suisse romand. Cette étude a pour ambition de rendre le travail autour de la co-construction et de la recevabilité des hypothèses plus opératoire, tant du point de vue des enseignant·e·s que de celui des élèves.

Dans le champ de la didactique des sciences, l'enseignement basé sur la démarche d'investigation scientifique à l'école vise à acculturer les élèves à des manières de penser, parler et agir caractéristiques de l'activité (du) scientifique (Marlot, 2016). De notre point de vue, l'enjeu majeur est de transmettre des pratiques scientifiques au travers de l'élaboration progressive d'une communauté discursive scientifique scolaire (Bernié, 2002).

Construire de telles communautés dans le contexte de la mise en œuvre de la démarche scientifique à l'école nécessite pour l'enseignant·e de mobiliser différentes compétences, dont la régulation des interactions avec les élèves. Pour autant, les études de Paindorge, Prieur, Fontanieu & Monod-Ansaldi (2016) ; Marlot (2016) et Calmettes (2009) montrent que les professeurs expriment et révèlent des difficultés dans cette régulation. On observe notamment – lors de la production d'idées explicatives en général – une logique d'avancement du temps didactique qui est celle de partir à la « quête de la réponse attendue » (Marlot, 2016, p.209). Cette orientation des interactions risque d'hypothéquer toute possibilité de travail réel autour des hypothèses.

En tant que pratique scientifique, nous avons choisi dans cette étude de mettre la focale sur la construction des hypothèses en classe. Il s'avère que c'est une pratique caractéristique de l'activité (du) scientifique qui peut, particulièrement, poser des difficultés de régulation notamment aux enseignants débutants -ED - (Marlot & Boilevin, 2021). Il s'agit pour nous de comprendre, comment l'enseignant·e est amené·e à « accepter ou refuser une production d'élève effectuée dans le cadre d'une séquence d'investigation » (Morge, 2008, p.23).

C'est ce moment que Morge (2008) appelle la phase de conclusion. Celle-ci peut se faire en utilisant des arguments de véracité (on parle alors de phase d'évaluation) ou en utilisant des arguments de validité (on parle alors de phase de négociation). L'utilisation d'argument de validité est plus efficace pour l'apprentissage des élèves en sciences (Morge, 2004).

Marlot et Morge (2015) montrent qu'une manière d'instaurer la phase de négociation dans la pratique enseignante consiste à faire évoluer les épistémologies pratiques (EP) des enseignant·e·s.

Cette EP du professeur révèle le système de représentation et des théories de l'enseignant (par rapport à l'enseignement scientifique en particulier) et qui vont influencer leurs choix didactiques en situation. Elle relève d'un double mouvement dans le sens où l'EP oriente l'action de l'enseignant, au même temps qu'elle naît de l'action en classe (Marlot, Boivin-Delpieu & Küll, sous presse).

La recherche montre que proposer des séquences robustes du point de vue des résultats de la recherche en didactique des sciences aux enseignants ne contribue pas forcément à l'évolution/transformation de leurs pratiques professionnelles. Il est alors nécessaire que les enseignants fassent évoluer leur EP pour que véritablement leur pratique se transforme (Marlot & Morge, 2015).

Ainsi, la question de recherche que nous oriente porte sur l'identification d'éléments de l'EP qui sont susceptibles d'évoluer grâce à la mise en œuvre d'un dispositif de formation coopératif par la simulation.

Basé sur le concept de la réflexion en cours d'action de Shön (1983), Morge (2004) propose un dispositif de formation qui s'appuie sur un logiciel de simulation croisée. Ce dispositif invite les ED à expliciter la construction de leurs interventions et donc, travailler sur l'articulation entre les éléments de savoir en jeu et les décisions à prendre lors des phases de conclusion. L'analyse des enregistrements audio des choix et de leurs justifications permet donc ainsi au chercheur d'accéder à certains éléments de l'épistémologie pratique de ces ED.

Pour autant, ce dispositif de formation continue – par sa dimension coopérative - offre aux enseignant·e·s l'opportunité de réfléchir sur leurs choix didactiques et comprendre leurs effets sur les apprentissages des élèves (Marlot & Roy, 2020).

En effet, il se compose des trois moments. Lors du premier, les ED prennent connaissance des notions spécifiques associées aux savoirs scientifiques et didactiques liés à la mise en place de la séquence didactique sur la circulation sanguine.

Dans le deuxième moment, en binôme, les enseignant·e·s utilisent un logiciel de simulation de gestion de situation de classe. L'interface du logiciel propose des hypothèses des élèves (sous forme de schémas explicatifs) et demande aux enseignants de discuter ensemble afin d'aboutir à des décisions concernant les feedback à fournir aux élèves concernant la validité et la recevabilité de ces propositions.

Le troisième consiste à faire un débriefing en collectif entre les enseignant·e·s et les format·rices·eurs pour comprendre leurs choix faits en situation et engager de possibles déplacements pendant cette réflexion collective.

L'analyse des choix didactiques et leurs raisons lors des différents moments de la formation continue permet donc au chercheur d'inférer certains des éléments de l'EP des enseignants. Dans un deuxième temps, ces analyses permettront aussi de comprendre s'il y a eu une évolution de ces éléments grâce au dispositif de simulation croisée. En effet, pour certains des binômes volontaires, la séance qui a fait l'objet de la simulation, sera réalisée en classe et filmée.

La focale d'observation de cette présentation concerne donc l'identification de certains éléments d'épistémologie pratique susceptibles d'évoluer entre le moment 2 et le moment 3 du dispositif de formation coopératif.

Les résultats de notre étude visent donc à montrer les apports de l'approche participative à l'amélioration de la gestion par les enseignant·e·s de cette phase de négociation lors de la co-construction et la recevabilité des hypothèses en classe de sciences.

Références

Bernié, J.P. (2002). L'approche des pratiques langagières à travers la notion de « communauté discursive » : un apport à la didactique comparée ? Revue française de pédagogie, 1419, p. 77-88.

Calmettes, B. (2009). Démarche d'investigation en physique. Des textes officiels aux pratiques en classe. Spirale. Revue de recherches en éducation, 43, 139-148.

Marlot, C. (2016). Difficultés à apprendre, difficultés à enseigner les sciences. In C. Marlot & L. Morge (Eds), L'investigation scientifique et technologique. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Marlot, C., Boivin-Delpieu, G. & Küll, C. (sous presse). Le rôle de l'épistémologie pratique du professeur dans la mobilisation de certaines normes auto prescrites, en classe de sciences au premier degré. Revue Education & didactique.

Marlot, C. & Morge, L. (2015). Des normes professionnelles à caractère doxique aux difficultés de mise en œuvre de séquences d'investigation en classes de sciences : comprendre les déterminations de l'action. Recherches en Éducation 21, 123-137. http://journals.openedition.org/ree/7555 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ree.7555

Marlot, C. & Roy, P. (2020). La Communauté Discursive de Pratiques : un dispositif de conception coopérative de ressources didactiques orienté par la recherche. Formation et pratiques d'enseignement en questions : revue des HEP de Suisse romande et du Tessin, 26, 163-184. http://hdl.handle.net/20.500.12162/3896

Marlot, C. & Boilevin, J. M. (2021). Le rôle des connaissances de référence dans la gestion des phases de débat scientifique à l'école primaire en Suisse romande. RDST, 23, 183-207. https://journals.openedition.org/rdst/3844

Marlot, C., Riat, C. & Roy, P. (2022). Experimental Protocol Poster in a « Preschool » Classe : An Object for Learning or an Object to Learn About ? In J. Bisault, R. Le Bourgeois, J.-F. Thémines, M. Le Mentec & C. Chanoine (Eds.), Objects to Learn About and Objects for Learning 2, Which Teaching Practises for Which Issues ? (pp. 167-192). ISTE, Wiley, Vol. 11.

Morge, L. (2004). L'opération de contrôle dans l'activité cognitive des enseignants étudiée par la méthode de la simulation croisée. Revue Française de Pédagogie, 147, 5-14

Morge, L. (2008). De la modélisation didactique à la simulation sur ordinateur des interactions langagières en classe. Note de synthèse, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand

Paindorge, M., Monod-Ansaldi, R., Fontanieu, V., Prieur, M. (2016). Les enseignants de sciences et de technologie face aux démarches d'investigation prescrites dans le secondaire. In C. Marlot & L. Morge (Eds), L'investigation scientifique et technologique. Rennes : Presses Universitaires de Rennes

Shön D.A. (1983). Le praticien réflexif. A la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel. Montréal: Editions Logiques. (trad. 1994)



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