S1 - Que reste-t-il des institutionnalisations scolaires ? ... Prendre en compte le curriculum savouré dans les disciplines
Florian Ouitre  1@  , Vanessa Desvages-Vasselin  2@  , Faouzia Kalali  3@  , Benjamin Delattre  4@  
1 : CIRNEF
Université de Caen Normandie : EA7454, Université de Caen Normandie
2 : Centre interdisciplinaire de recherche normand en éducation et formation
Université de Rouen Normandie : UR7454, Normandie Université
3 : CIRNEF
Université Rouen Normandie
4 : Centre interdisciplinaire de recherche normand en éducation et formation
Université de Caen Normandie : EA7454

Notre symposium s'inscrit dans l'axe 1 du colloque. Il questionne dans une visée comparatiste ce qu'il reste des institutionnalisations réalisées dans différentes disciplines scolaires pour en percevoir la dimension savoureuse et fonctionnelle. Nous avons nommé « reste » ce composé mémoriel vivant issu de ce qui a été effectivement institutionnalisé. En effet, que reste-t-il de ce que nous étions censés apprendre à l'école ? Le souvenir du corps humain qu'on se représente comme une « belle machine si perfectionnée, si bien huilée, mais potentiellement fragile », les errances romantiques de Rousseau comme forme aboutie d'une liberté toujours impossible à assumer en classe de première S, la génétique et la théorie de l'évolution dans le cours du samedi matin en terminale de Mme B. conférant l'impression d'être « savant » et permettant plus tard de penser les phénomènes de manipulations génétiques et d'assumer son athéisme, le plaisir de voir les copains jouer le texte qu'on avait écrit pour un spectacle de marionnettes en CM1, le kangourou des maths à l'école nous mettant dans le défi de résoudre des problèmes, l'historien que nous étions devenu en réalisant la biographie d'un député de la 3e République en licence, etc. Ces exemples, issus des souvenirs personnels des différents contributeurs du symposium, montrent comment des savoirs ont pu faire et font encore « marque », « trace », « évènement » à l'intersection entre des contextes pédagogiques particuliers (identification à un professeur, un contexte exceptionnel, etc.) et des enjeux didactiques subjectifs (trajectoire sociale, réponse à des questions existentielles, accomplissement pulsionnel, etc.). 

Ce reste est potentiellement savoureux dans le sens où il est encore possible de l'apprécier, de s'en délecter et d'en jouir après-coup. Il permet à chacun de mobiliser ce qui a été appris et d'en apprécier les effets. Il peut être pour le sujet (Buznic-Bourgeacq, 2021, p. 193-194) un savoir de référence, une méthode de travail, un type de questionnement, une manière de raisonner et de penser. Il s'exprime comme une technique de soi (Foucault, 1994, p. 709) ce qui lui confère ainsi une puissance d'agir et de penser durable. Nous pointons là des apprentissages disciplinaires qui ont fait sens de manière décisive au regard de leur saveur (Astolfi, 2008) du moment, saveur qui a gardé dans le temps son intensité. Ils prennent ainsi la forme d'un souvenir marquant, d'une trace subjective et personnelle pour la vie, conséquence des institutionnalisations réalisées. Les savoirs disciplinaires et les mondes auxquels ils se référent sont ainsi pensés sur le registre du « vécu disciplinaire » (Reuter, 2016), vécu qui a pu nous marquer passionnément (Buznic-Bourgeacq, op. cit.), s'inscrire dans des histoires de vie (Hubert, 2012), nous permettre de problématiser autrement des moments de la vie (Ouitre, 2019).

L'avènement de ce reste savoureux s'inscrit dans ce que nous avons appelé le « curriculum savouré » qui apporte un autre regard sur les questions curriculaires (Perrenoud, 1993). 

Dans ce processus de socialisation, d'acculturation et de nécessaire décontextualisation que portent les opérations d'institutionnalisation, notre symposium vise à questionner le reste-capitalisé de ces opérations, sa valeur et la manière dont il s'est constitué et s'est inscrit dans le curriculum savouré. Les différentes communications répondront chacune à leur manière et de façon non exhaustive aux questionnements suivants :

  • Quelles formes prend ce reste au sein des différentes disciplines et domaines de savoir sollicités dans ce symposium ? 
  • Quelles sont les conditions favorables et les processus qui ont conduit à attribuer à ce reste cette dimension savoureuse ?
  • Comment le curriculum savouré d'un sujet résonne ou dissone-t-il avec le curriculum prescrit, réalisé et caché qu'il a traversé ? 
  • Que nous apprend le curriculum savouré sur la structure épistémologique et anthropologique des disciplines interpelées ? 
  • En quoi ce curriculum savouré hérité impacte-t-il chez des jeunes enseignants en formation les façons d'aborder l'enseignement des disciplines concernées ?

 

Bibliographie :

Astolfi, J.-P. (2008). La saveur des savoirs. Disciplines scolaires et plaisir d'apprendre. Paris : ESF.

Buznic-Bourgeacq, P. (2021). Dévoluer sa propre épreuve, In Buznic-Bourgeacq, P. (dir.), Sujets et objets de la dévolution. Londres : ISTE. 

Delattre, B. (2019). L'EPS au défi de l'individuation. Thèse de doctorat en Sciences de l'Éducation et de la Formation, Université de Caen Normandie. 

Foucault (1994). Dits et Ecrits. Paris : Gallimard. 

Hubert, B. (2012). Faire parler ses cahiers d'écolier. Paris : L'Harmattan.

Kalali, F. (2023) Perspectives curriculaires en éducation scientifique. PUR, Coll. Paideia.

Ouitre, F. (2021). Enjeux et vivacité des questions relatives à l'Éducation à la santé : quelles manifestations dans la conscience disciplinaire d'enseignants débutants en Éducation Physique et Sportive ? In C. Chauvigné et M. Fabre (éd.), Questions socialement vives : quelles approches possibles en milieu scolaire ? Carrefours de l'Éducation.

Perrenoud, P. (1993). Curriculum : le formel, le réel, le caché. In Houssaye, J. (dir.) La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd'hui, (61-76). Paris : ESF.

Reuter, Y. (2016). Vivre les disciplines scolaires. Vécu disciplinaire et décrochage à l'école. Paris : ESF. 


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