Les quilombolas sont des populations noires rurales (à l'origine) dont les ancêtres ont résisté à l'esclavage, en s'enfuyant et en créant leurs propres espaces. Valoriser les connaissances ethnoculturelles des communautés quilombolas dans une société qui, historiquement, enseigne aux afrodescendants brésiliens, dès leur plus jeune âge, que pour être accepté il faut se renier, est un défi auquel sont confrontés les enseignants des écoles quilombolas. Sommes-nous vraiment conscients de cette exclusion ethnique à l'école? Il nous semble alors possible d'aborder la problématique centrale de notre étude dans une perspective dynamique: a) comment les enseignants perçoivent-ils leur formation initiale et les contributions à leurs pratiques didactiques dans les écoles quilombolas ? Dans cet univers spécifique de relations interethniques, comment les enseignants cherchent-ils à intégrer, dans le curriculum scolaire, des principes prenant en compte les connaissances ethnoculturelles des éleves quilombolas?
L'école est un lieu qui influence considérablement la construction de l'identité de l'individu et la pratique didactique de l'enseignant y joue un rôle important. Or, nous postulons donc que plus la pratique de classe est centrée sur une approche pédagogique contribuant à la déconstruction de pré-conceptions, à la sensibilisation à un regard moins cloisonné du curriculum, plus l'enseignant sera en mesure de mettre en œuvre une didactique culturellement pertinente, plus réflexive et décentrée, et ainsi influencer de manière davantage positive la construction de l'identité de ces jeunes élèves afrodescendants. Dans le but d'avoir tous les outils à disposition afin d'analyser d'une façon plus optimale nos questionnements de recherche, il est nécessaire d'aborder les concepts-clés qui iront nourrir notre problématique. Sans vouloir établir un état des lieux scientifique concernant les notions centrales de notre étude, nous avons sélectionné les approches les plus pertinentes aux notions suivantes :
la «formation initiale» car elle peut nous donner des pistes pour la compréhension des interconnexions qui se font dans la pratique pédagogique, jouant également un rôle important dans l'organisation disciplinaire des savoirs, et également le « curriculum », car il est plus qu'une liste de contenus à enseigner, il est transformé et construit au fil du temps, à l'intérieur et à l'extérieur de l'espace scolaire. Il faut comprendre que la formation des enseignants est une triade: « curriculum, contexte et culture », selon Feldmann et Masetto (2017, p. 566), et que la fonction pédagogique du curriculum est d'établir des pratiques qui valorisent et reconnaître les identités et les cultures présentes à l'école par des actions en faveur d'un enseignement démocratique et réflexif ;
les « pratiques sociales de références », car elles ont une place importante dans le processus éducatif. Par pratiques sociales de référence, nous entendons les pratiques culturelles que l'on trouve hors de l'école mais qui se trouvent étroitement liées à certains objets d'apprentissage proposés dans les écoles (Mérini, 1995), ce qui rejoint les objectifs des écoles situées dans les communautés quilombolas : créer des points de jonctions entre les savoirs locaux et les programmes scolaires. D'après Martinand (1982) « Toute activité scolaire, qu'elle soit importée ou construite directement sur le terrain scolaire, doit avoir un rapport avec des pratiques sociales réelles ». C'est ce qui nous intéresse ici, discuter cet aspect de l'activité enseignant, étant donné que la problématique de la référence est fondamentale d'un point de vue didactique, au regard de la charge de responsabilité sur les problèmes de construction de curriculum scolaire et de la formation formation des enseignants (Martinand, 2003).
et pour finir la notion de « didactique culturellement pertinente », car cette perspective valorise le contexte dans lequel évoluent les pratiques pédagogiques et renforce le débats à l'articulation entre l'égalité et la différence au niveau macrosocial mais aussi à l'école. La dimension culturelle de l'enseignement prend une importance spéciale dans les discussions académiques et politiques et la Didactique en tant que champ disciplinaire doit prendre part dans cette problématisation. Le plus grand défi de la Didactique aujourd'hui est « transformer la diversité connue et reconnue en avantage pédagogique » (Candau, 2012).
Au niveau méthodologique, nous avons opté pour une approche qualitative du type étude de cas multiple. Comme instrument de collecte de données, nous avons déjà appliqué un entretien semi-structuré auprès des treize enseignant.e.s affect.e.és dans deux écoles quilombola rurales. Le guide d'entretien a été composé de quatre axes thématiques : 1. La formation initiale et continue de l'enseignant ; 2. La pratique didactique de l'enseignant ; 3. Les liens entre la formation et la pratique didactique ; 4. Les représentations des enseignants sur la culture et l'identité quilombolas. Les données seront interprétées selon l'analyse de contenu.
Les analyses nous ont permis de constater que pour les enseignants interrogés, il existe une grande lacune dans leurs formations initiales mettant en évidence deux aspects: a) la grande dichotomie existant entre la théorie et la pratique, desservant leurs pratiques didactiques, surtout au niveau des méthodes ; b) l'absence de disciplines abordant des thématiques sur la diversité culturelle, ce qui fragilise, en quelque sorte, l'exercice du métier d'enseignant dans les écoles quilombolas, et pour finir, il a été possible de percevoir l'engagement des enseignants à diffuser et à valoriser les savoirs ethnoculturels des élèves à travers le curriculum scolaire, mais aussi à partir de la mise en place de diverses activités extra-classes (des projets pédagogiques) menées par les enseignants tout au long de l'année, au nom de la cohérence entre les activités scolaires, les objectifs d'apprentissage et les savoirs locaux.
Mots-clé : pratique sociale de référence ; formation initiale, pratique de classe ; culture, élèves quilombolas
Références bibliographiques :
BLANCHET, A. & GOTMAN, A. (2001 [1992]) : L'enquête et ses méthodes : l'entretien, 2e éd. in coll. Sociologie 128, Paris, éd. Nathan.
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MARTINAND, J-L. (1982). Table ronde. SNEP, L'éducation physique et la réussite de tous, Actes du colloque L'éducation physique à l'Education Nationale, pp. 123-142.
MARTINAND, J.-L. (2003). L'éducation technologique à l'école moyenne en France : problèmes de didactique curriculaire. Revue canadienne de l'enseignement des sciences, des mathématiques et des technologies, vol 3, n°1, pp.101-106.
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