Dans le canton de Vaud, la formation à l'enseignement répond à différentes prescriptions et enjeux dont le développement du potentiel créatif chez les élèves (CIIP, 2010). Dans ce contexte, la didactique des activités créatrices et manuelles de la Haute École Pédagogique (ci-après HEP Vaud) forme à la créativité et son évaluation à l'école obligatoire. L'ancrage cognitiviste par l'approche multivariée de la créativité (Besançon, 2021, Besançon et Lubart, 2015), vise à favoriser une meilleure compréhension de l'activité créative. Au-delà des contenus théoriques et pratiques de cette formation, l'objectif est d'amener les étudiants.es à déconstruire et à requestionner leurs propres perceptions et définitions de la créativité en milieu scolaire. Concernant cette dernière, la littérature sur le sujet a montré qu'il existe une confusion de sens, issue des perceptions individuelles, chez les enseignants.es (Lubart et al., 2015; Selkrig et Keamy, 2017 ; Pantaleo, 2019). Cette confusion amène des difficultés dans la création des scénarios pédagogiques visant à développer la créativité, dans sa transposition ainsi que dans l'évaluation des compétences créatives (Alter et al, 2009, De Backer et al., 2012; Pantaleo, 2019). Partant de cette tension, le premier volet de cette recherche s'intéresse aux perceptions qu'ont nos étudiants en amont du dispositif de formation en ACM. Plus précisément, nous faisons l'hypothèse de l'existence de perceptions multiples en fonction des profils de formation des étudiants.es. Afin d'y répondre, nous avons utilisé le test Short Scale of Creative Self (Karwowski, Lebuda, Wisniewska & Gralewski, 2013, Karwowski, 2016). Cette auto-évaluation mesure la perception que l'on a de sa capacité créative en rendant visibles le soi créatif, l'identité créative et l'auto-efficacité créative de l'individu.
Méthode
Cette étude quantitative exploratoire par questionnaire a été réalisée en amont du premier module de formation traitant des aspects spécifiques à la créativité en ACM. L'échantillon est composé de 180 participants âgés de19 à 56 ans (M=24 ans, 86% de femmes). L'échantillon se subdivise en deux sous-groupes, le premier se destinant à travailler auprès des enfants âgés de 4 à 7 ans (n = 140) et le deuxième se destinant à travailler avec des enfants âgés de 8 à 11 ans (n = 40). Le test Short Scale of Creative Self (Karwowski, Lebuda, Wisniewska & Gralewski, 2013, Karwowski, 2016) est composé de 11 items évalués à l'aide d'une échelle de Likert en 5 points où 1 = pas du tout et 5 = tout à fait.
Premiers résultats
Les résultats du SSCS font émerger une tendance supérieure chez les femmes (M=3.49, Écart =0.26) que chez les hommes (M=3.15, Écart=0.44) pour la conception du soi créatif (+0.13, P=0.05) et pour l'identité créative (+0.42, P=8.96e-05). Concernant l'auto-efficacité créative, nous constatons une inversion de tendance non significative entre les genres. Les données sur l'auto-perception en fonction des profils de formation indiquent que les participants se destinant à l'enseignement dans les quatre premières années de la scolarité obligatoire obtiennent un score plus élevé (M=3.51 Écart=0.25) que ceux désirant enseigner à des enfants de 8 à 11 ans (M=3.35, Écart=0.28) avec une différence significative de +0.16 (P=0.005).
Conclusion
Le cursus de formation de la HEP en didactique des ACM amène les futurs enseignant à prendre conscience et à mettre en place des activités complexes mobilisant les compétences créatives des élèves. En effet, la manière dont les enseignants s'y prennent pour utiliser des approches créatives dans leur enseignement est un domaine d'étude en soi, mais on en sait moins sur la manière dont les enseignants eux-mêmes se perçoivent créatif. Les données récoltées en amont du premier module de formation sur la créativité tendent vers une distinction de l'auto-perception créative entre les deux profils de formations. En effet, les étudiants.es du cycle 1 semblent avoir une plus haute conscience de leur soi créatif, de leur identité personnelle ainsi que de leur auto-efficacité créative que ceux se destinant au cycle 2. Ces premiers résultats seront discutés en regard de la didactique comparée et plus particulièrement dans la perspective de rapport au savoir (Chevallard, 2003) sur la créativité. En conclusion, cette étude amène de nouveaux éléments de compréhensions sur l'auto-perception de la créativité afin d'accompagner au mieux, les futurs.es enseignants.es dans la compréhension et la transposition de la créativité en milieu scolaire.
Bibliographie
Besançon, M., & Lubart, T. (2015). La créativité de l'enfant: évaluation et développement. Mardaga.
Brousseau, G. P. (1998). Les obstacles épistémologiques, problèmes et ingénierie didactique.
Chevallard, Y. (2003). Approche anthropologique du rapport au savoir et didactique des mathématiques. In S. Maury, & M. Caillot (Eds.), Rapport au savoir et didactique (p. 81-122). Paris : Fabert.
Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP). (2010). Plan d'études romand: cycle 1 et 2. Neuchâtel: CIIP.
Karwowski, M., Lebuda, I., Wisniewska, E., & Gralewski, J. (2013). Big five personality traits as the predictors of creative self‐efficacy and creative personal identity: Does gender matter ?. The Journal of Creative Behavior, 47(3), 215-232.
Karwowski, M. (2016). The dynamics of creative self-concept: Changes and reciprocal relations between creative self-efficacy and creative personal identity. Creativity Research Journal, 28(1), 99-104.
Lubart, T., Mouchiroud, C., Tordjman, S., & Zenasni, F. (2015). Psychologie de la créativité-2e édition. Armand Colin.
Mark Selkrig & (Ron) Kim Keamy (2017) Creative pedagogy : a case for teachers' creative learning being at the center, Teaching Education, 28:3, 317-332, DOI : 10.1080/10476210.2017.1296829.
Pantaleo, S. (2019). Creativity and elementary students' multimodal narrative representations. Australian Journal of Language and Literacy, 42(1). 17-27. h[ps://www.thefreelibrary.com/Creativity+and+elementary+students%27+multimodal+narrative...- a0571514309
- Poster